30 août : épuration, l’heure des comptes et du retour de la justice

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Chaque jour du 20 août au 2 septembre, en coopération avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, nous vous faisons revivre dans ces colonnes la Libération de l’Isère, telle qu’elle s’est déroulée il y a 80 ans, jour par jour. Épisode 11...

L’arrestation de collaborateurs, rue de Strasbourg à Grenoble. Photo Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation – Département de l’Isère.

 

Ce mercredi 30 août marque le retour de la justice en Isère avec la mise sur pied d’une cour martiale. Celle-ci va précéder la Cour de justice et la chambre civique qui vont se charger de juger plus d’un millier de personnes suspectes de collaboration.

 

La question de l’épuration revêt un caractère primordial pour le nouveau pouvoir en place. Dès la constitution du CDLN (Comité départemental de la libération nationale) en janvier 1944, cette gestion de l’épuration, en particulier celle des instances administratives, fait l’objet de discussions.

Toutefois, la situation est différente en août 1944 après l’intensification de la répression allemande durant l’été. La répression dans le Vercors, la découverte des charniers du Polygone et les épisodes tragiques qui ont émaillé la fin de la guerre sont dans toutes les têtes, où ils côtoient la joie et l’euphorie de la Libération.

Un comité d’épuration est mis en place le 24 août afin de prendre en charge ces questions. Des fonctionnaires sont démis de leurs fonctions.

Le 30 août, une Cour martiale est mise sur pied. Elle a pour objectif de statuer sur le sort des collaborateurs isérois. Toutefois, la plupart d’entre eux ont fui la région. 

La population, dont la presse se fait le relais, demande vengeance et justice envers les collaborateurs. L’épuration doit donc être gérée de manière urgente afin de mettre fin aux lynchages publics et pour permettre une affirmation du nouveau pouvoir en place.

Le préfet Albert Reynier rappelle dans un communiqué que « la justice du peuple n’assassine pas, elle condamne, sans faiblesse, comme sans erreur ».
 

L’emblématique procès des jeunes miliciens

Il reste cependant dix miliciens, capturés depuis le mois de juin par les maquisards, et qui sont appelés à comparaître devant la justice. Le but de ce procès est triple : punir les crimes commis par la Milice, canaliser l’épuration sauvage et rétablir l’autorité d’un État de droit en reconstruction.

Les miliciens sont jugés le 2 septembre et condamnés à mort. Six d’entre eux sont condamnés à mort et abattus devant la foule cours Berriat à Grenoble. Le cours Berriat est choisi car 20 maquisards du Vercors ont été exécutés à cet endroit même, le 14 août, par des soldats allemands et miliciens.

Ce procès est emblématique de la période et des enjeux de justice régnant alors. Si la foule s’est pressée pour assister à l’exécution et si celle-ci semble satisfaire l’opinion publique, le sort réservé à ces jeunes miliciens crée depuis des mois des débats très tendus au sein des organisations de résistance, entre ceux qui réclament la peine suprême et les tenants d’une justice adaptée aux faits reprochés aux miliciens.

La Cour de justice et la chambre civique succèdent à la cour martiale à partir du 6 octobre. La première a pour objet de juger les collaborateurs et peut prononcer des sentences allant jusqu’à la peine de mort. La chambre civique réprime des faits non punissables pénalement ; mais elle peut prononcer l’indignité nationale des prévenus.

Jusqu’en 1948, la Cour de justice de l’Isère prononce 1 046 jugements. Parmi ceux-ci, de nombreuses condamnations à mort. Mais peu d’entre elles seront exécutées. Une trentaine de collaborateurs seront ainsi passés par les armes en Isère.

Le souhait de réconciliation nationale amène à commuer un grand nombre de ces peines capitales.
 

L’ultime procès de l’épuration en 1965

L’épuration se poursuivra cependant encore plusieurs décennies en Isère. Le dernier procès date de 1965. Il concerne Jean Barbier, ancien chef des groupes d’actions du PPF (parti populaire français). Cet homme s’est caché pendant vingt ans sous une fausse identité. C’est de sa propre initiative qu’il se rend en 1962 à Marseille, pensant sans doute être tombé dans l’oubli.

Mais son œuvre sinistre pendant l’Occupation est restée marquée au fer rouge. Et de nombreux résistants isérois témoignent de ses méthodes d’interrogatoire et de la torture qu’il a fait subir à ses victimes. 

Jean Barbier a aidé la Gestapo et les services de sûreté nazis à lutter contre les réseaux de résistance. Il avait même son bureau dans les locaux de la Gestapo, boulevard Gambetta.

L’homme est jugé par la Cour de sûreté de l’État à Paris. Condamné à mort, il est gracié par le général de Gaulle et échappe donc à la sentence capitale.

Une décision qui crée une immense émotion en Isère et d’importantes manifestations seront organisées. L’une d’entre elles a lieu devant le monument érigé sur le lieu des charniers du Polygone à Grenoble. Jean Barbier sortira de prison en 1984.

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