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- Autonomie
Si vieillir est un phénomène naturel, vieillir heureux nécessite d’anticiper et d’innover. C’est le double défi que relève le Département de l’Isère avec le lancement, en décembre prochain, de son sixième schéma départemental de l’autonomie 2022-2024.
À La Mure, Philippe Auffray, un ancien infirmier, a ouvert La Maison bleue, un habitat inclusif qui accueille huit personnes âgées de plus de 65 ans (photo ci-dessus).
“Ici, on est chez soi. Chaque résident occupe une chambre équipée d’une douche, d’un WC, d’un petit lavabo et de rangements. Bien sûr, il est possible d’amener une partie de son mobilier et des objets auxquels on tient. On peut aller et venir à sa guise tout en bénéficiant d’un accompagnement pour les courses, le ménage et les repas. On partage quatre espaces communs où une animatrice organise des temps collectifs et propose diverses activités”, commente Philippe Auffray, qui a ouvert en novembre 2021, à La Mure, La Maison bleue, un habitat inclusif pouvant accueillir huit personnes âgées de plus de 65 ans.
Ce style d’habitat regroupé, conçu pour des personnes âgées encore autonomes mais refusant la solitude, a le vent en poupe. Le principe est simple : l’établissement est situé à proximité des commerces, des transports en commun, des centres médico-sociaux et des médecins.
Pour favoriser les liens, un professionnel est également chargé d’organiser un projet de vie sociale et partagée. “Dès janvier 2023, le Département de l’Isère va cofinancer avec l’État et la Caisse nationale solidarité autonomie ce dispositif original qui permet de lutter contre l’isolement. Notre objectif est d’encourager le plus possible la création d’habitats inclusifs, car ce concept répond à un véritable besoin, explique Delphine Hartmann, vice-présidente du Département en charge de l’autonomie et des handicaps. Une dizaine sont presque déjà sortis de terre et 20 autres devraient voir le jour d’ici à 2029.”
Et comme l’écrivait déjà au XIXe siècle Charles-Augustin Sainte-Beuve, « vieillir est encore le seul moyen qu’on ait trouvé de vivre longtemps ».
Une révolution démographique et sociologique
L’année 2030 marquera d’ailleurs un cap en matière de longévité : pour la première fois en France, les plus de 65 ans dépasseront en nombre les moins de 20 ans. Ils représenteront 23 % de la population, contre 19,6 % actuellement !
Face à cette évolution démographique et aux nouvelles attentes des personnes âgées et de leur famille, le Département, chef de file de l’autonomie, a choisi d’avancer. Un nouveau schéma départemental de l’autonomie a été élaboré pour les quatre années à venir.
Il sera voté en décembre prochain et s’appuie sur deux principes actions : le maintien à domicile et les solutions alternatives à l’entrée en établissement. “La perte d’autonomie est une source d’inquiétude pour 65 % des Français, mais seulement 33 % indiquent prendre des mesures pour l’anticiper. Par ailleurs, près de la moitié ne connaissent pas les aides auxquelles ils peuvent prétendre ni les services auxquels s’adresser pour en faire la demande, poursuit Fabien Calonego, directeur de l’autonomie au Département. Notre volonté est d’adapter nos propositions au parcours de vie et de santé et bien évidemment aux aspirations. L’adaptation du domicile, l’accueil des personnes âgées en situation de handicap, la prévention, le repérage des fragilités, l’aide aux aidants et l’information font partie de nos priorités.”
Le deuxième axe de ce schéma vise à mettre en place des programmes expérimentaux, appelés « Ehpad hors les murs », une formule qui autorise le maintien à domicile tout en bénéficiant des aides et services des maisons de retraite médicalisées.
Un guide d’usage est aussi à l’étude pour imaginer les « Ehpad de demain » avec l’objectif d’offrir le meilleur espace de vie possible et une prise en charge de qualité aux résidents.
Interviews
Delphine Hartmann, vice-présidente du Département en charge de l’autonomie et des handicaps
Faire face aux enjeux de demain
Isère Mag : Le Département s’apprête à voter en décembre prochain son nouveau plan d’action pour l’autonomie 2022-2026. Quel en est le principal objectif ?
Delphine Hartmann : En 2030, la génération des baby-boomers parviendra à l’âge de 85 ans. C’est à cette date que la France connaîtra une augmentation significative du nombre de personnes âgées. Il y a fort à parier que ces séniors n’auront pas les mêmes besoins que leurs parents nés avant-guerre et du coup d’autres attentes en matière d’accompagnement. C’est la génération des Stones !
L’objectif de ce plan d’action, qui va couvrir les quatre ans à venir, est de mettre en place des solutions innovantes qui prennent en compte l’évolution de nos modes de vie.
Pour l’élaborer, nous avons associé tous les acteurs de l’autonomie : personnes âgées, associations, aidants, entreprises du numérique et des services à la personne, professionnels de la santé…
I.M : Quels en sont les axes principaux ?
D. H : Le premier est la prévention. Nous allons nous rapprocher des services d’aide à domicile et les professionnels de la santé pour repérer le plus tôt possible les situations de fragilité. Nous réfléchissons aussi à la mise en place de système d’auto-évaluation via des applications numériques qui permettent de mesurer soi-même son niveau d’autonomie. Ce type d’outil ne viendrait pas remplacer mais compléter l’intervention des professionnels et de l’entourage de la personne âgée.
L’autre objectif est de rendre le plus longtemps possible les séniors acteurs de leur vie, en favorisant la possibilité d’accéder à des activités physiques et culturelles, mais aussi en les invitant à s’intégrer davantage dans la cité. Nous voulons aussi développer de nouveaux modèles d’habitat, alternatifs au logement individuel et à l’Ehpad, qui favorisent le lien social et la lutte contre l’isolement.
Enfin, une place importante sera donnée aux aidants en leur proposant des solutions de répit et en les informant sur les aides existantes.
Le Département aide les personnes âgées
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Toutes les informations au 04 38 12 48 48 et sur isere.fr
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À la résidence de l’Arche, à Charvieu-Chavagneux, une équipe mobile propose un accompagnement à domicile.
Des Ehpad à la maison ?
Lorsqu’un proche perd son autonomie, il faut lui trouver de l’aide pour le ménage, la cuisine, la toilette, les soins, le repas… Mais au fur et à mesure de l’entrée en dépendance, cet accompagnement peut vite s’avérer insuffisant. Il y a bien sûr l’Ehpad, mais les places sont limitées et, souvent, la personne n’y est pas favorable. Il existe des voies intermédiaires.
Début 2021, la résidence mutualiste L’Arche, à Charvieu-Chavagneux, a développé un dispositif expérimental avec l’aide de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). “Concrètement, une équipe mobile composée de deux assistantes de soin en gérontologie, d’un gériatre, d’une infirmière et d’une psychologue se rend chez la personne pour évaluer son niveau de dépendance et lui proposer un protocole d’accompagnement, explique Caroline Motti, la directrice.
On enclenche ensuite une prise en charge individuelle qui va d’une astreinte téléphonique 7 j/7 et 24 h/24 à l’adaptation du logement : système anti-chutes, téléalarme… En cas de problème, on effectue une visite sur place. Les personnes peuvent aussi participer à nos activités et une chambre est mise à leur disposition si leur maintien à domicile est impossible temporairement.”
À terme, le Département veut encourager ces initiatives permettant aux personnes dépendantes de bénéficier des services d’un Ehpad tout en restant chez elles.
© A.Berlioz
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Accompagner les personnes âgées en situation de handicap
“Les personnes en situation de handicap vieillissantes ont besoin d’un accompagnement spécifique. Cela s’explique tout d’abord par l’âge de leur entrée en établissement qui se situe autour de 60 ans au lieu de 85 ans habituellement, mais aussi par leur situation. Nous devons entretenir leurs capacités physiques en prenant en compte toutes les dimensions de la vie : sorties, activités sportives adaptées, animations…”, explique Lynda Gaillard-Tersain, directrice de l’Ehpad Les Chantournes au Versoud.
Cet établissement de la Fondation Partage et Vie a ouvert ses portes en 2013 avec le soutien du Département. Il est entièrement dédié à l’accueil de résidents âgés en situation de handicap. Outre une équipe dédiée aux soins, la maison emploie quatre personnes responsables de la vie sociale et dispose de nombreux équipements : salle de sport, balnéothérapie, espace Snoezelen, média-bar… pour favoriser l’accès aux loisirs et aux moments partagés.
Pour encourager l’accueil des personnes âgées en situation de handicap au sein des Ehpad et améliorer leur prise en charge, le Département offre une dotation supplémentaire de 40 000 euros par unité de 14 personnes handicapées âgées accueillies.
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L’accueil familial : un vrai métier
En juin 2020, comme sa mère avant elle, Dalila Chorfa, 37 ans, a obtenu l’agrément du Département et suivi une formation pour devenir famille d’accueil pour personne âgée et handicapée. Avec son mari et ses deux filles de 3 et 7 ans, elle partage depuis dix-huit mois le quotidien de Jérôme, handicapé psychique, qui dispose d’une chambre dans sa maison à Villefontaine.“Je recherche actuellement une deuxième personne à accueillir. Mais il est fondamental qu’elle puisse bien s’entendre avec Jérôme, très doux et sensible, pour préserver l’harmonie familiale”, précise cette ancienne assistante administrative, enchantée de sa reconversion professionnelle.
Comme Dalila, ils sont actuellement 145 professionnels agréés en Isère pour accueillir à leur domicile des personnes en situation de handicap ou âgées de plus de 60 ans ne souhaitant pas vivre en collectivité. Ces accueillants sont rémunérés par la personne elle-même (ou via l’aide sociale versée par le Département si elle y est éligible) et doivent pouvoir être relayés en cas d’absence.“C’est un métier exigeant qui nécessite une bonne connaissance des problèmes liés à l’âge et au handicap, précise Emmanuelle Petit, chef de service à la direction de l’autonomie du Département de l’Isère. Les personnes accueillies doivent être aussi suffisamment autonomes. Mais le dispositif répond à un vrai besoin, notamment sur les territoires peu pourvus en structures d’accueil. Il peut être aussi envisagé comme une solution de répit transitoire pour les aidants familiaux.”
Contact : Maison départementale de l’autonomie, 04 38 12 48 48 - isere.fr
© V.Granger
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Innover pour recruter des aides à domicile
Comment attirer de nouveaux collaborateurs dans des métiers de l’aide à domicile en forte tension et à les rendre plus attractifs ?
Pour Nicolas Ruiz, directeur d’Assistance et services à domicile pour tous (ASDT), à Saint-Ismier, première structure privée d’aide à domicile en Isère (160 salariés), c’est l’un des gros enjeux. Pour cela, il n’hésite pas à innover. “Nous venons de tester au sein de l’entreprise deux escape games sur les personnes âgées avec un cabinet spécialisé dans l’objectif d’organiser des sessions de recrutement avec Pôle emploi. Cela contribue à mieux faire connaître les besoins et on renforce la cohésion d’équipe ! Dans le même esprit, nous mettons en place un diplôme d’intervenant d’hygiène de vie à domicile avec une promotion de 12 personnes en externe. Elles seront formées par des collaborateurs internes, aides-soignants de métier, qui leur montreront les gestes techniques.” Nicolas Ruiz précise que des postes sont toujours à pourvoir.
Contact : ASDT - 04 76 71 19 28