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Fidèle à sa tradition d’ouverture aux cultures du monde, le Musée dauphinois nous emmène au Pays bassari, aux confins du Sénégal et de la Guinée, où se côtoient cinq peuples autochtones vivant en symbiose avec leur environnement naturel. Dépaysant et inspirant.
Inutile de rechercher le Pays bassari sur un atlas officiel. Niché dans une région vallonnée entre le Sénégal oriental et la Guinée, arrosé par le fleuve Gambie, ce territoire lointain de collines, de cascades et de savanes boisées aux contours mal définis constitue avant tout une entité culturelle reconnue depuis 2012 au titre du Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco.
Sa découverte se mérite : dix heures de route et de traversée du pays sont nécessaires depuis Dakar pour arriver jusqu’au Département de Kédougou, avec lequel le Département entretient une coopération étroite depuis de nombreuses années. Il faudra encore ajouter quelques heures de marche et s’avancer dans les terres avant d’accéder aux villages les plus reculés, parfois haut perchés.
Une culture vivante et une riche biodiversité
S’ils ne sont que quelques dizaines de milliers, les habitants de ce « pays » sont aussi difficiles à appréhender : au côté de la minorité bassari cohabitent des Coniagui, des Djallonké, des Malinké, des Bedik et des Peuls, chacun avec ses dialectes, ses religions (animistes, catholiques ou musulmans) et ses rituels parfois spectaculaires qui jalonnent toute l’existence.
Des traditions et une culture ancestrales encore vivantes et propres à chacun, qui toutefois se diluent à une vitesse accélérée. “À l’ère du numérique et des réseaux sociaux, les nouvelles générations n’échappent pas à l’attrait de la vie urbaine et de la modernité, la transmission se fait moins bien avec les anciens, observe Olivier Cogne, directeur du Musée dauphinois. Lors des cérémonies, on voit de plus en plus les masques rituels en matériaux naturels portés avec des jeans ou des baskets… Si le métissage est inévitable et participe de l’évolution des sociétés, l’enjeu est que cette richesse culturelle ne s’efface pas et ne soit pas cantonnée uniquement au musée.”
Fruit de quatre ans de travail, soutenue par le ministère de la Culture, l’ambassade de France au Sénégal et l’Unesco, cette exposition exceptionnelle bénéficie du concours et des prêts d’institutions prestigieuses : le musée du quai Branly-Jacques-Chirac, le musée des Civilisations noires et le musée Théodore-Monod de l’Institut fondamental d’Afrique noire, tous deux à Dakar – le commissariat scientifique est assuré par l’archéologue Aimé Kantoussan et l’historien de l’art Malick Ndiaye, émanant de ces deux derniers musées.
Cette coiffe-cagoule 𝘓𝘶𝘬𝘶𝘵𝘢 fait partie du prêt exceptionnel consenti par musée du quai Branly-Jacques-Chirac pour l'exposition du Musée dauphinois. Ce masque de bataille est fabriqué avant la fête d'initiation par les jeunes 𝘰𝘱𝘢𝘭𝘶𝘨 (23-29 ans] et des 𝘰𝘭𝘶𝘨 [16-22 ans). L’ornement des 𝘓𝘶𝘬𝘶𝘵𝘢 est composé d'une cagoule faite dans un cylindre d'écorce battue de Piliostigma thonningii ou de Ficus congensis et d’une coiffe circulaire. Au moment du combat, le masque 𝘓𝘶𝘬𝘶𝘵𝘢 retire sa coiffe pour se battre contre le futur initié.
Près de 150 pièces, objets et œuvres d’art contemporain, accompagnés de films et d’entretiens, illustreront ainsi le foisonnement culturel du Pays bassari, d’hier à aujourd’hui. “Nous nous sommes appuyés sur l’Association des minorités ethniques, créée il y a une quinzaine d’années, pour récolter les objets, les témoignages des villageois et écrire les textes de l’exposition. Nous ne voulions surtout pas parler à leur place”, précise Olivier Cogne.
Les populations locales pourront découvrir à leur tour l’exposition iséroise dans une version itinérante au Centre culturel régional de Kédougou, loin des pentes de la Bastille, à la fin de 2025. Une invitation à une autre forme de voyage, loin des sentiers battus, pour tisser des liens durables.
©coll. Musee-du-quai-Branly
Pratique
« Pays bassari »
Du 6 décembre 2024 au 8 septembre 2025, au Musée dauphinois, rue Maurice-Gignoux, à Grenoble. Gratuit.
Contact : musees.isere.fr
Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Hommes et femmes du Pays bassari.Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Femme du Pays bassari.Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Collier en perles de verre, XXe siècle avant 1969. Population aweye dite coniagui, Etyolo (Sénégal oriental). Les perles sanikona sont aujourd’hui très rares et introuvables dans le commerce. Leur nom malinké signifie « comme de l’or ».Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Poupée en maïs, terre cuite, coton, cauris, métal, vers 1950. Population alyane dite bassari, Etyolo (Sénégal oriental). Ces poupées rituelles sont arborées dans le dos des jeunes filles pour apporter fertilité aux cultures.Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Pot à bière anthropomorphe en terre cuite, poils et laine, Atokh tyebal, fin du XIXe – première moitié du XXe siècle. La bière de mil, consommée par tous et servie lors de rituels initiatiques, renforce le lien social du village.Coll. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Tablier en toile, cauris, alliage cuivreux, perles de verre, métal, Ebalay, vers 1950. Le tablier perlé est porté comme ornement par les jeunes filles od-olug. Il s’agissait auparavant de leur seul vêtement.