Le téléphérique de Grenoble a 90 ans

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Le téléphérique de Grenoble
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En inaugurant le téléphérique de la Bastille en 1934, le maire de Grenoble, Léon Martin, pressentait-il que cette installation deviendrait l’emblème de la ville ? Depuis, 24 millions de passagers l’ont emprunté.

Le 29 septembre 1934, une foule dense se masse sur les quais de l’Isère pour assister à l’inauguration du téléphérique de la Bastille. À 15 h 45, les cabines, d’une capacité de 15 passagers chacune, se mettent en mouvement, emportant dans le ciel un parterre de personnalités, parmi lesquelles les sénateurs Perrier et Vallier et le député Ravanat. Les invités parcourent en trois minutes les 660 mètres de câble qui séparent la gare de départ de celle d’arrivée, 263 mètres plus haut.

Paul Michoud, président de la Chambre d’industrie touristique, porte un toast “au chemin de fer aérien qui doit permettre aux touristes de jouir sans peine et sans effort, du haut de ce belvédère, du panorama des Alpes dauphinoises”, peut-on lire le lendemain dans La République du Sud-Est

On doit l’idée de ce téléphérique à Paul Mistral. Surfant sur les retombées touristiques de l’exposition internationale de Grenoble de 1925, le maire de Grenoble a défendu ce projet dès 1930. Avec une idée en tête : “En faire un passage obligé pour les touristes.” Une intuition visionnaire qui s’est largement vérifiée depuis.

 

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“Une benne tenue par un fil …”

Dès les premiers jours, « la ficelle grenobloise », comme on la surnomme, est prise d’assaut. En trois mois, elle attire 50 917 passagers. Elle connaît son heure de gloire deux ans plus tard, le 20 août 1936, quand le président de la République, Albert Lebrun, l’emprunte à l’invitation du président du Conseil général de l’Isère, Léon Perrier. 

Non sans provoquer quelques sueurs froides parmi les membres de son service de sécurité, inquiets de le voir “entreprendre une ascension dans une petite benne tenue par un fil et qui s’envole comme une plume au vent”, écrivait Roger-Louis Lachat dans Le Petit Dauphinois du 21 août.

Les travaux ont été confiés au consortium Neyret-Beylier, Para et Milliat. Les cabines sont tractées, selon un système de va-et-vient sur un câble porteur, par un moteur électrique. En cas de panne, deux moteurs auxiliaires peuvent prendre le relais.

 

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Troisième téléphérique urbain au monde après ceux de Rio de Janeiro au Brésil (1912) et du Cap, en Afrique du Sud (1929), le téléphérique de la Bastille accueille 370 000 passagers par an.

 

Des cabines aux Bulles

En quatre-vingt-dix ans, l’installation a subi de nombreuses modifications. En mars 1951, deux bennes rectangulaires transportant 21 personnes chacune, peintes aux couleurs rouge et or de la ville, remplacent les cabines d’origine.

Elles assureront leur dernier voyage le 15 février 1976 avant de laisser place aux « bulles » avant-gardistes aux parois transparentes permettant de profiter de la vue, conçues par l’ingénieur Denis Creissels. Parallèlement, la machinerie, dépassée, est remplacée par un système bicâble pulsé, réalisé par Poma. 

Au cours des dix dernières années, le nombre d’usagers a augmenté de 80 000, passant de 290 000 personnes en 2013 à 370 000 en 2023. Ce qui en fait le troisième site touristique le plus visité du département, derrière le château de Vizille et le parc Walibi des Avenières. Une fréquentation que Patricia Gallois, directrice de la régie du téléphérique, attribue à un développement du tourisme de proximité, “plus dynamique qu’avant”.

Le succès repose aussi sur la fiabilité du téléphérique, qui n’a connu que deux incidents majeurs au cours de son histoire. Le premier, le 18 septembre 1976, le jour même de l’inauguration des bulles, à la suite d’un déraillement. Une cinquantaine de passagers sont restés bloqués, les opérations de secours se poursuivant tard dans la soirée.

Le second, le 29 juin 2014, quand une forte rafale de vent a provoqué l’arrêt total de la machine. “Après ce passé satisfaisant, l’avenir sera peut-être plus brillant encore”, écrivait Jacqueline Chamarier dans la Revue de géographie alpine en 1954 à l’occasion des 20 ans du téléphérique. Gageons que l’honorable nonagénaire a encore des atouts dans sa manche !

©Coll. Musée dauphinois & F.Pattou

Encart

Repères :

Un investissement de 2,5 millions d’anciens francs

L’épineuse question du financement de ce chantier de 2,5 millions d’anciens francs (203 millions d’euros d’aujourd’hui selon les comparateurs) aurait pu avoir raison du téléphérique. 

La chambre d’industrie touristique, chargée de son exploitation, a eu l’idée révolutionnaire de financer cet investissement au moyen d’un prêt accordé par la Ville et gagé sur le produit de la taxe touristique.

Ses caractéristiques aujourd'hui  :

  • Dénivelée : 263 mètres
  • Longueur de câble : 660 mètres
  • Vitesse de l’installation : de 0,1 à 6 mètres/seconde
  • Durée moyenne du voyage : 6 minutes
  • Débit maximum : 720 personnes/heure
  • 4 000 heures d’ouverture moyenne annuelle et autant d’heures de maintenance
  • Nombre de voyageurs annuels : 370 000 (2023)
  • Nombre de passagers transportés depuis 1934 : 24 millions

bastille-grenoble.fr

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Que peut-on voir ou faire à la Bastille ?

Depuis la gare supérieure du téléphérique, on a l’un des plus beaux points de vue sur Grenoble avec un panorama à 360 degrés duquel on distingue le mont Blanc par temps clair.

Le lieu est aussi propice à la pratique d’activités physiques – randonnée, via ferrata, parc de loisirs de l’Acrobastille –, et culturelles : tables d’interprétation, musée des Troupes de montagne (retraçant l’histoire de ce corps depuis sa création à nos jours) et Centre d’art bastille (CAB). 

Les promeneurs peuvent également se restaurer dans le snack ou l’un des deux restaurants situés à proximité.

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Insolite

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Les accros du fil

Le 28 septembre 1981, le funambule acrobate Henry’s, de son vrai nom Henri Réchatin, se met en tête de prendre la Bastille sur le câble du téléphérique. L’homme, haut en couleur, est mondialement connu pour ses exploits. Il a notamment passé 185 jours sur un câble de 120 mètres de long à 25 mètres de hauteur, à Saint-Étienne, en 1973. L’ascension commence sous les meilleurs augures.

Par sécurité, le chef d’exploitation du téléphérique dégraisse le câble devant le funambule, juste avant qu’il n’y pose son pied. Mais à l’approche du pylône, là où la pente atteint 42 %, Henry’s doit renoncer à son ascension après avoir parcouru les deux tiers du trajet, en raison d’un mollet tétanisé.

L’exploit sera finalement réalisé vingt ans plus tard par Freddy Nock. Cet artiste suisse hors norme, qui s’était auparavant produit dans de nombreux cirques, s’est spécialisé dans les records de funambulisme sous le titre « The Sky is the Limit ».

Après une première tentative avortée pour des raisons météo le 14 septembre 2001, Freddy Nock renouvelle l’expérience le 26 septembre, bien déterminé à atteindre la gare d’arrivée en dépit de l’interdiction de la régie du téléphérique. Refroidie par le souvenir des difficultés de Henry’s vingt ans plus tôt, celle-ci a en effet soumis son autorisation à une condition : que Nock s’arrête au pylône où un pompier du Grimp l’attendra pour lui permettre de quitter le câble en sécurité. 

Furieux, Freddy Nock force le passage, frappant le pompier d’un coup de perche, et poursuit l’ascension, établissant du même coup le record à battre, soit trente-quatre minutes.

©DauphinéLibéré

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