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Incarnation des valeurs de la chevalerie, Pierre Terrail, seigneur de Bayard, est mort le 30 avril 1524 lors de la bataille de Sesia, en couvrant la retraite de l’armée française contre les troupes de l’empereur Charles Quint. Un événement qui sera commémoré durant toute l’année.
Mortellement blessé le 30 avril 1524 sur les bords de la Sésia, Bayard meurt pleuré par ses ennemis, le récit épique de son sacrifice symbolisant la mort glorieuse au combat.
Au printemps 1524, François Ier, engagé depuis deux ans et demi dans la sixième guerre d’Italie, affronte une coalition regroupant, derrière l’empereur Charles Quint, le royaume d’Angleterre et les États pontificaux en enchaînant les déconvenues. Le chevalier Bayard, qui sert la royauté depuis trente ans, couvre la retraite de l’armée française à Rovasenda. Le 30 avril à l’aube, un projectile perfore son armure et lui brise la colonne vertébrale.
Selon la légende, le chevalier aurait demandé à être adossé à un chêne face à l’ennemi avant d’enjoindre à ses compagnons de s’éloigner pour ne pas tomber aux mains des Espagnols. Bayard agonise au milieu de ses ennemis. Le Marquis de Pescara, commandant de l’armée impériale, « considérant la grosse perte que fait aujourd’hui toute la chevalerie », serait venu lui rendre hommage avant de lui faire rendre les honneurs par son armée.
Le soir tombe. S’ensuit la scène entre le connétable de Bourbon, cousin de François Ier rallié à l’empereur, et Bayard, décrite vers 1540 par Martin du Bellay dans ses mémoires : “Ah ! monsieur de Bayard, que j’ai grand pitié de vous voir en cet état, vous qui fûtes si vertueux chevalier !” se serait exclamé le prince de sang.
À quoi Bayard aurait répondu : “Monsieur, il n’est besoin de pitié pour moi, car je meurs en homme de bien ; mais j’ai pitié de vous, car vous servez contre votre prince et votre patrie.” Ainsi s’achève une carrière rondement menée par un nobliau de province que rien ne prédestinait à passer à la postérité.
De page à lieutenant-général du Dauphiné
Pierre Terrail naît entre 1473 et 1476 à Pontcharra. Après un apprentissage du métier des armes comme page du duc de Savoie, l’adolescent démarre sa carrière militaire à la cour du roi Charles VIII à l’âge de 17 ans.
À l’époque, la France, qui vient d’achever sa transition entre un État féodal et une monarchie centralisée, entend faire valoir ses droits héréditaires sur le royaume de Naples ; prélude à une série de 11 conflits menés par quatre rois de France entre 1494 et 1559. Engagé dans les guerres d’Italie, Bayard signe son premier fait d’armes en juillet 1495 à Fornoue, lors de la conquête du royaume de Naples.
Dès lors, il enchaîne les batailles, forgeant sa légende à la pointe de son épée et se singularisant par son caractère intrépide, loyal, humain, plaçant toujours son intérêt personnel au second plan.
En 1504, sous le commandement du roi Louis XII, il tient tête aux Espagnols sur un pont franchissant le Garigliano pour protéger la retraite de l’armée française, évitant un massacre. En 1509, après la victoire d’Agnadel qui ouvre au roi de France les portes de Venise, il est élevé au grade de capitaine, habituellement réservé aux grands du royaume.
Première alerte, en février 1512, Bayard est grièvement blessé au siège de Brescia.
En 1515, le nouveau roi, François Ier, le nomme lieutenant-général du Dauphiné. Une mission dont il s’acquitte en administrateur éclairé. On lui doit notamment les premiers travaux d’endiguement du Drac ; ou encore le confinement à l’hôpital des pestiférés qui étaient auparavant brûlés vifs avec leurs maisons.
Mais il est rapidement rappelé sur le front. Il contribue de manière décisive à la victoire de Marignan, près de Milan, en 1515. En 1521, il est dépêché à Mézières, une ville assiégée par 40 000 Allemands, où il barre la route aux armées de Charles Quint.
Trois ans plus tard, il a rendez-vous avec son destin à Rovasenda. Et entre définitivement dans la légende. Sa dépouille est ramenée à Grenoble le 20 mai 1524, avant d’être portée au couvent des Minimes à Saint-Martin-d’Hères, où elle sera finalement inhumée en grande pompe le 24 août.
Pour aller plus loin : L’Énigme Bayard, une figure européenne de l’humanisme guerrier, Presses universitaires François-Rabelais, 2021, sous la direction de Benjamin Deruelle et Laurent Vissière.
Repères
À Pontcharra, le château Bayard, fief de la famille Terrail, domine la vallée du Grésivaudan. Bayard y serait né.
Un programme d’envergure
L’association Les Amis de Bayard s’apprête à rendre hommage au chevalier à l’occasion du cinquième centenaire de sa mort.
“Avec l’ambition d’actualiser les connaissances scientifiques d’une période exceptionnelle, la Renaissance, d’en confirmer les acquis, et d’en raviver l’esprit d’invention et d’humanité”, résume son président, Philippe Langenieux-Villard.
Les collectivités et institutions se mobiliseront à ses côtés, à l’image de la ville de Pontcharra qui a demandé à Jean-Vincent Brisa de créer une pièce de théâtre consacrée à Bayard, de la Communauté de communes du Grésivaudan, de l’Université intercommunale du Grésivaudan, de l’Académie Delphinale ; ou encore des Archives départementales de l’Isère qui présenteront, du 21 septembre 2024 au 17 janvier 2025,
« Bayard, illustre et méconnu », une exposition qui retrace la vie de Pierre Terrail dans son temps à travers une sélection de documents originaux manuscrits et de documents iconographiques, et qui s’accompagnera d’une série de concerts, contes et visites guidées.
Plus d'infos : lesamisdebayard.fr
©Noak
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Pierre du Terrail, seigneur de Bayard en habit de cour. Sur ce portrait exposé au musée de l’Ancien Évêché, Bayard porte le collier de l’ordre de Saint-Michel que lui a remis François Ier au lendemain du siège de Mézières en 1521. © Musée dauphinois
L’étoffe d’un héros
L’image du chevalier « sans peur et sans reproche » repose sur les chroniques de deux de ses contemporains, Symphorien Champier et Jacques de Mailles.
“S’ils rapportent des événements dont l’authenticité est avérée, ils ont romancé les faits quand ils ne les ont pas inventés, contribuant à la création d’une légende”, selon Stéphane Gal, auteur de Bayard, le dernier chevalier.
En brossant de lui un portrait idéalisé pour servir la propagande royale dans le contexte très particulier du désastre de Pavie qui vit, en 1525, le roi emprisonné et la fine fleur de la chevalerie française décimée par les arquebusiers espagnols, ils en ont fait un héros de circonstance, comme, avant lui, Vercingétorix ou Jeanne d’Arc.
Bayard, invincible à l’épée, est mort victime de la modernisation de l’art de la guerre, la suprématie des armes à feu ayant eu raison de la cavalerie d’élite sur le champ de bataille, “reléguant la culture chevaleresque à un univers fictionnel”.
Bayard, le dernier chevalier, de Stéphane Gal, collection « Les Patrimoines », éditions Le Dauphiné libéré, 2019.
© Musée dauphinois
Repères
Bayard entre dans la légende en 1504, sur le pont de Garigliano, en affrontant seul 200 soldats espagnols en protégeant la retraite des troupes de Louis XII du royaume de Naples, évitant un massacre. @Musée dauphinois. Cliquez pour agrandir.
Comprendre les guerres d’Italie
Pour comprendre l’intérêt des rois de France pour l’Italie, il faut remonter au XIIIe siècle, à l’époque où Charles d’Anjou, frère du futur roi de France, Saint-Louis, recueille l’héritage du conte d’Anjou du Maine et de Provence et roi de Sicile et de Naples.
En 1480, à la mort du dernier descendant de la dynastie d’Anjou, cet héritage italien passe entre les mains du roi de France Louis XI qui, trop préoccupé par l’unification de son royaume, s’en désintéresse. La situation change avec son fils, Charles VIII. La centralisation du royaume amorcée par ses prédécesseurs étant achevée, le jeune roi tourne ses ambitions vers la riche Italie.
En 1494, il marche sur Naples dont il s’empare en 1495 avant de la reperdre aussitôt. Les campagnes se succèdent sous les règnes de ses successeurs Louis XII, qui outre les droits royaux sur Naples revendique Milan par sa grand-mère, François Ier et Henri II au gré des retournements d’alliance.
Pendant 65 ans, les nobles français, attirés par l’aventure de la guerre comme par la splendeur de la Renaissance se battent des deux côtés des Alpes, affrontant l’Espagne, la Suisse, les états italiens, la papauté, le Saint Empire germanique et l’Angleterre, qui voyant d’un mauvais œil la suprématie de la France en occident, se coalisent pour empêcher son implantation en Italie.
Les hostilités s’achèvent en 1559 par les traités du Cateau-Cambrésis au terme desquels la France renonce définitivement à ses ambitions italiennes au profit de l'Espagne. Si les guerres d'Italie n'ont pas réellement bouleversé l'échiquier politique, elles ont changé les codes du combat.
La mort de Bayard, victime de l’artillerie portative inventée par les Espagnols en 1510, préfigure le désastre de Pavie de 1525 et la suprématie de l’artillerie sur la chevalerie. La France a également rapporté de ces campagnes un goût appuyé pour le raffinement italien qui a nourri l'art et la littérature de l'époque.
@Musée dauphinois