Pour que vive le spectacle en Isère

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Ils sont partout et souvent là où l’on ne les attendait pas ! Chanteurs, comédiens, danseurs, circassiens et autres artistes ont le don de transfigurer le réel pour nous faire voyager, rêver, halluciner, réfléchir, rire ou pleurer…

Démocratiser l’accès à la culture, faire émerger de nouveaux talents en région, créer sur tout le territoire des lieux de diffusion où “les gens se rencontrent pour rencontrer ce qu’il y a de meilleur en eux” : c’est avec cette ambition qu’André Malraux créait les maisons de la culture dans les années 1960.

En 1968, le ministre inaugurait à Grenoble la plus grande de France, une « cathédrale culturelle » où chaque enfant et adulte pourrait voir des ballets, du théâtre, des tableaux ou des films…

 

Mailler le territoire, repérer, accompagner

Quarante ans après, avec les lois de décentralisation des années 1980 à 2000, le panorama a bien évolué : les collectivités se sont largement impliquées dans la diffusion du spectacle vivant sur leurs territoires, en multipliant les équipements et les structures.

Quand il a fallu rationaliser les moyens, prioriser et restreindre les dépenses, la culture a été souvent sacrifiée comme une variable d’ajustement. Certaines collectivités ont aussi constaté que les publics peinaient à se renouveler, laissant de côté des pans entiers de la population. 

Notamment en milieu rural, où les distances et le coût des transports s’ajoutent aux freins habituellement identifiés. La concurrence de Netflix et des écrans est rude. Le spectacle vivant est pourtant une source incomparable d’épanouissement et d’ouverture sur le monde. 

Convaincu de son rôle fondamental, le Département de l’Isère en a fait, en 2015, un marqueur fort de toutes ses politiques avec un slogan martelé : la culture partout, pour tous.

 

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Le Théâtre François Ponsard à Vienne pendant le festival Jazz à Vienne © R. Alouche

 

En huit ans, le travail de terrain et de maillage entrepris porte ses fruits. Un réseau de « Scènes ressources » labellisées a été constitué partout en Isère : presque tous les territoires disposent d’équipements aptes à attirer un large public avec une programmation de qualité. 

Plus question de se contenter de remplir les salles à tout prix : l’enjeu est de conquérir de nouveaux publics, ceux qui ne viendraient pas d’eux-mêmes, en laissant aussi de la place aux artistes émergents et locaux.

“Il faut expérimenter, essayer de nouveaux rythmes, entre voir venir et aller vers…”, estime Jérôme Villeneuve, jeune directeur de l’Hexagone de Meylan (scène nationale spécialisée « arts et sciences »), qui a fait le pari cette saison d’une programmation totalement hors les murs de mai à juillet 2024 !

 

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Gabriel F (Le Jour J de Mademoiselle B) ©Pascale Cholette

 

Nouveaux talents, nouveaux publics

Oser, aller vers : c’est aussi la démarche des résidences artistiques développées par le Département sur les territoires.

Pendant trois ans, des artistes professionnels de tous horizons mènent un travail de fond auprès des habitants, des scolaires aux Ehpad, pour partager leur passion, créer l’émotion et susciter les expressions créatives. 

Les festivals sont un autre moyen de toucher le plus grand nombre et de goûter au plaisir de voir des artistes en chair et en os : l’Isère, là encore, dispose d’un nombre d’événements impressionnant dans tous les champs du spectacle. 

La musique occupe le devant de la scène avec des locomotives comme Jazz à Vienne, le Festival Berlioz ou les Détours de Babel. Mais les arts de la rue, la danse ou le théâtre investissent un peu partout les places… Ces professionnels contribuent à faire rayonner notre territoire à l’extérieur et à attirer ici les talents dans tous les domaines.

La culture est en effet le deuxième secteur économique le plus important de France ! Dans un monde déboussolé, les artistes sont encore plus essentiels pour nous aider à faire société et à sortir de l’écran… ensemble.


Interview

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Patrick Curtaud, vice-président du Département chargé de la culture et du patrimoine

 

« La culture est un marqueur fort de notre action »

Isère Mag : Depuis 2015, le Département n’a cessé de réaffirmer son soutien au spectacle vivant sous toutes ses formes, en lui consacrant un budget conséquent. En quoi est-ce essentiel pour les Isérois d’aller au spectacle ? 

Patrick Curtaud : Nous attachons une attention toute particulière au budget consacré à la culture. Pour le président Barbier et notre majorité, ce budget n’est pas une variable d’ajustement et depuis 2015, nous l’avons même doublé !

Pour nous, la culture, tout comme l’éducation, est un élément fondateur dans la construction d’un individu, un rempart contre l’obscurantisme et l’ignorance dans une période parfois anxiogène. Notre slogan « la culture pour tous, la culture partout » est un marqueur fort de notre action. Les territoires ruraux ou de montagne sont tout aussi importants que les villes. 

Le spectacle vivant est un maillon essentiel de notre politique culturelle, et nous avons veillé à ne négliger aucun domaine de la création : danse, théâtre, cirque, musique, arts visuels, de la rue, nouvelles technologies.

Les artistes accueillis en résidence partout en Isère témoignent de cette diversité. Et le soutien à la création et à la diffusion des œuvres s’inscrit dans cette démarche. Il englobe notamment l’éducation artistique, sans laquelle nous n’aurions pas ce vivier de professionnels de talent. Les intermittents du spectacle en font partie, de même que les artistes amateurs et les très nombreux bénévoles sans qui nous n’aurions pas tous ces festivals qui maillent et animent le département… 

La culture nous rassemble et elle contribue à créer de la vie et de la joie partout en Isère. L’un des objectifs est que les spectateurs, par le prisme de la création et du spectacle vivant, soient aussi des acteurs de leur propre vie.

 

©F.Pattou

 

Le soutien du département au spectacle vivant en Isère

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Repères

Avec une centaine de compagnies artistiques dans tous les domaines, l’Isère foisonne de talents. Certains rayonnent à l’international, à l’instar du chorégraphe Jean-Claude Gallotta ou du circassien Yoann Bourgeois. 

Beaucoup d’autres sont solidement implantés dans le paysage français, bien au-delà des frontières iséroises : François Veyrunes, Anne Courel ou Bouba Landrille Tchouda, Jean-Vincent Brisa, Pascale Henry, Michel Belletante, Serge Papagalli, Émilie Leroux ou Bruno Thircuir… Sans oublier tous ceux qui sont en train d’émerger, déjà repérés et accompagnés par le Département. Cette richesse ne tombe pas du ciel. Pas plus que le talent ne vient en naissant.

Tous ces professionnels ont dû se former et travailler dur avant de pouvoir revendiquer leur statut d’artiste professionnel du spectacle. Il leur a fallu trouver des lieux de création et de répétition, des moyens et des espaces pour se produire. 

Sans un soutien public fort pour que l’accès à ces pratiques et à des œuvres de qualité soit possible partout, pour tous, le spectacle vivant resterait l’apanage d’une élite urbaine et cultivée : c’est tout le sens de l’engagement du Département de l’Isère depuis 2015.

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Les Abattoirs à Bourgoin-Jallieu, une scène musiques actuelles labellisée « scène ressource »

 

Des « Scènes ressources » très ouvertes

Pour cette saison 2023-2024, la programmation de l’Espace Paul-Jargot, à Crolles, est encore très alléchante. “Nous accueillons 11 compagnies iséroises de danse et de théâtre qui se produiront hors les murs dans une vingtaine de communes de la vallée du Grésivaudan, dans des lieux inhabituels”, explique Dominique Grimault, son directeur. 

L’Espace Paul-Jargot fait partie des 12 équipements culturels labellisés « Scènes ressources » accompagnés par le Département de l’Isère : des équipements qui s’engagent à rayonner sur leur territoire, à soutenir les compagnies iséroises et à mener des actions auprès d’un large public, comme les collégiens, les personnes âgées ou en situation de handicap.

Certains sont des salles spécialisées dans une thématique culturelle. Les Abattoirs, à Bourgoin-Jallieu, avec les musiques actuelles, reçoivent ainsi chaque année en résidence une vingtaine de formations émergentes. 

Parmi celles-ci, une formation locale et prometteuse (Foehn Trio) travaillera spécifiquement avec des élèves du conservatoire intercommunal Hector-Berlioz pour une création artistique partagée, permettant aux jeunes instrumentistes de découvrir l’environnement des musiques actuelles.


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En 2022, les écoles de musique de Vienne ont travaillé avec la violoncelliste iséroise Hélène Piris.

 

Des musiciens à bonne école

Donner aux élèves des écoles de musique l’occasion de travailler avec des professionnels et de se produire sur scène. C’est l’un des partis pris du conservatoire de musique de Vienne et du réseau des écoles de musique du Pays viennois. 

“La musique est un art vivant. Et cette approche pédagogique, proposée en complément d’un enseignement plus académique, permet de découvrir un instrument sous toutes ses facettes, à travers le jeu et la découverte d’un répertoire… C’est aussi l’un des meilleurs moyens de comprendre le processus de la création”, explique Jean-Philippe Causse, le directeur du conservatoire. 

L’année dernière, les écoles du réseau ont ainsi sollicité Hélène Piris, une violoncelliste iséroise qui joue du rock. Choix des morceaux avec l’artiste, arrangements et écriture avec les musiciens, répétitions avec les professeurs, création d’un spectacle… l’initiative a rassemblé pas moins de 40 élèves de cordes des cinq écoles de musique. 

Un autre programme a pu voir le jour avec la fanfare du pays viennois et les classes d’instruments à vent des conservatoires. Il a donné lieu à plusieurs représentations dans le cadre de la Caravan’Jazz de Jazz à Vienne. Cette année, c’est au tour des élèves des classes de cuivres, avec le Quintet Alliance, et de celles de clarinette, avec le groupe Roots4Clarinettes, de s’exercer à donner le la avec des artistes !


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La Cie Lamento au château de Vertrieu, en septembre dernier

 

Faire danser les Balcons du Dauphiné

Des artistes, comédiens, musiciens, danseurs, cinéastes ou circassiens qui s’immergent dans un territoire pendant trois ans pour créer au plus près des habitants : c’est le principe des résidences artistiques mises en place par le Département depuis 2015, et qui essaiment un peu partout en Isère. 

Après la compagnie Locus Solus, Sylvère Lamotte, chorégraphe de la compagnie de danse Lamento, est ainsi accueilli en résidence sur le territoire de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné (47 communes et 80 000 habitants, en Nord-Isère).

Lors des Journées européennes du patrimoine, sa pièce Ruines, inspirée par les corps pétrifiés de Pompéi, a fortement ému le public présent dans le parc du château de Vertrieu. 

“C’est un ballet très pictural qui évoque la souffrance physique. Nous souhaitons pouvoir diffuser l’oeuvre de la compagnie au plus grand nombre et travailler avec des amateurs, dans des Ehpad ou des centres de soins…”, ambitionne Catherine Saugey, directrice de la culture des Balcons. 

Depuis la création de sa compagnie en 2015, Sylvain Lamotte (ancien danseur de la compagnie 47.49) explore les limites du corps magnifié par la danse, mettant en scène des interprètes porteurs de handicap, comme Magali Saby dans Danser la faille (présenté en octobre).

Il s’adresse aussi au très jeune public : son duo de danse et de cirque La Fabuleuse Histoire de BasarKus a rencontré un grand succès au Festival Off d’Avignon l’été dernier. Travaillant en collaboration avec le musicien isérois Stracho Temelkovski, qui démarre une résidence avec Jazz à Vienne, Sylvère entend démultiplier les rencontres. 

“Tous ensemble, nous allons faire danser les Balcons du Dauphiné !”

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Murs de réconfort, l’œuvre éphémère de Flora Moscovici sur la paroi de La Halle de Pont-en-Royans. © Blaise Adilon

 

Des artistes visuels au cœur de la cité et du Vercors

L’art contemporain ne se limite pas aux prestigieuses institutions parisiennes et à quelques stars. “Notre mission, c’est de donner à voir au plus grand nombre la création d’aujourd’hui dans toute sa diversité, et d’accompagner des artistes actuels dans leur production”, postule Céline Kopp, directrice du Magasin-Centre national d’art contemporain de Grenoble. 

Après deux ans de fermeture, quarante ans après sa création, ce symbole de la décentralisation culturelle (cofinancé par l’État, le Département, la Région et la Ville de Grenoble) a rouvert grand ses portes aux Isérois et aux artistes. 

“Le Magasin n’est pas un lieu de consommation culturelle : on peut y voir des artistes internationaux comme Julien Creuzet, qui va représenter la France en 2024 à la Biennale d’art contemporain de Venise. On peut aussi venir en famille et y vivre des expériences multiples. C’est un espace d’étonnement et un lieu de débats, où l’on peut rencontrer des œuvres et discuter avec ceux qui les produisent.”

L’art contemporain essaime également en milieu rural. À Pont-en-Royans, village de 800 âmes au cœur du parc naturel du Vercors, le centre d’art La Halle fait aussi figure de pionnier depuis 1986, attirant des artistes du monde entier.

“C’est un endroit très inspirant, entre roche et eau, expose sa directrice, Giulia Turati. Nous organisons quatre ou cinq expositions par an dans nos murs, mais également en dehors, en réseau avec des lieux émergents comme la Villa Glovettes, à Villard-de-Lans, ou la Fabrique des luddites, à Chatte. Un écosystème s’est créé dans le Vercors.” 

En janvier, La Halle exposera Antoine Camus, un jeune artiste designer du Royans, puis le duo italien Atzori.


Encadré

Les coups de cœur de la rédaction

Trois spectacles soutenus par le Département, à voir cet hiver en famille 

 

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Sous le Manteau. Cie Sur le Tas (danse contemporaine)

Un manteau pour deux danseuses… Deux danseuses dans un manteau… pour s’enrouler, se rapprocher, se cacher, se chamailler ou se métamorphoser. Burlesque et onirique, cette chorégraphie est la toute première de la jeune compagnie grenobloise Sur le Tas et c’est un trésor de trouvailles visuelles et d’émotion !

 Après une soixantaine de représentations dans douze salles de la région, Sous le Manteau, coproduit en octobre 2022 par la Rampe, l’Espace 600, le Pacific et Saint-Martin d’Hères en Scène, repart pour un tour en Isère. 

  • 23 et 24 janvier à l’Équinoxe à La Tour-du-Pin
  • 27 et 28 mars à La Faïencerie à La Tronche
  • 6 avril au Cairn à Lans-en-Vercors
  • 16 avril à l’Espace 600 à Grenoble
  • surletas.fr

 

©Benjamin Keheyan


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Chut, une pomme ! Cie la Clinquaille (théâtre d’objets)

Dans cette nouvelle création mêlant théâtre et vidéo, Christophe Roche et sa compagnie, magiciens des objets, s’inspirent de Magritte et du surréalisme. 

Créée en 2011 à Vienne, La Clinquaille ne cesse de nous surprendre avec son univers décalé et des histoires douces, traquant la poésie dans les moindres détails. 

  • 15 décembre au Coléo à Pontcharra
  • 30 et 31 janvier à L’Espace Aragon à Villard-Bonnot
  • 17 et 18 avril au Péage-de-Roussillon
  • laclinquaille.com

 

©Laurent-Vella


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Entourloupes. Cie Kilombo (cirque)

Une terrasse, du linge qui sèche, un fauteuil… Si la devanture du logis est attrayante, la propriétaire fait vite comprendre au voyageur qu’il n’est pas le bienvenu ! 

De monocycle en main à main, fil et jonglage, ces deux protagonistes que tout oppose se jaugent, se défient, s’enquiquinent jusqu’à s’apprivoiser et même fraterniser. Un vrai duo d’équilibristes !

Entourloupes est la deuxième pièce de la compagnie Kilombo, créée en 2019 par Pauline Chauvet et Jean Pommart à Grenoble.

  • 26 janvier à l’Espace Paul-Jargot à Villard-Bonnot
  • 20 février au Cairn à Lans-en-Vercors
  • duokilombo.fr
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Claire Durand
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