Parc national des Écrins : 50 ans au sommet

Publié le
Modifié le
Parc national des Écrins - Col du lautaret
  • Culture
  • Notre histoire
Chapô

Créé en 1973, le parc national des Écrins fête cette année ses 50 ans. L’occasion de revenir sur un demi-siècle d’histoire, parfois houleuse.

Après cinq mois d’hiver, la nature s’éveille. Les crocus sortent de terre, les marmottes se remettent à siffler et les troupeaux quittent leurs bergeries. Le moment est bien choisi pour prendre un peu de hauteur et découvrir la faune et la flore exceptionnelles du parc national des Écrins, ses villages de caractère et leurs habitants qui perpétuent les traditions. 

À cheval entre les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes, le parc national des Écrins couvre 93 000 hectares en cœur de zone. Cinquième des 11 parcs nationaux créés en France depuis 1963, il est l’héritier du parc de la Bérarde que l’État a voulu mettre en place en 1913 pour lutter contre le surpâturage en zone de montagne notamment. 

Projet interrompu pour cause de Première Guerre mondiale. Mais pas seulement : “En l’absence de finalités bien identifiées et d’un instrument juridique adapté, cette entreprise était vouée à l’échec”, démontre l’universitaire Jean-Paul Zuanon dans son ouvrage Chronique d’un parc oublié*. En 1960, la loi sur la création des parcs nationaux change la donne et relance le projet.

 

Image

 

Une construction progressive commune

Si ses promoteurs se fixent dès l’origine comme objectif prioritaire la création d’un équilibre entre protection de l’environnement et développement du territoire, les premières actions privilégient, dans la pratique, la préservation d’une nature sanctuarisée, au grand dam des habitants du pays, qui se sentent dépossédés de leur avenir. 

En outre, les relations avec les chasseurs donnent lieu à des conflits d’usage récurrents. Ces frictions vont perdurer jusqu’à une phase d’apprivoisement mutuel, prélude à la construction d’une identité commune. 

En 2006, une nouvelle loi marque un changement radical dans le mode de gestion des parcs nationaux. Elle prévoit la mise en place d’une charte élaborée dans une démarche partenariale et conçue comme un projet de territoire. 

“Ce document fixe les grandes orientations du parc, chaque commune identifiant ses priorités au vu de ses spécificités et de son projet politique”, confirme Pierrick Navizet, responsable du service accueil et communication du parc national des Écrins. 

Plus de 90 % des communes du parc ont signé cette charte, ce qui en fait le meilleur taux d’adhésion dans les parcs français.

 

Image

 

Un parc, pour quoi faire ?

Si le parc existe sur le papier dès 1973, tout reste à faire, et ses missions ne cessent de s’amplifier : recrutement empirique des premiers gardes en 1974, construction de la Maison du parc de Vallouise en 1976, création d’un service scientifique en 1977, suivie des premiers inventaires de la biodiversité, premiers contrats de gestion des alpages en 1993, création de la réserve intégrale du Lauvitel en 1995… 

Au fil du temps, les équipes s’étoffent pour assurer des missions scientifiques, l’accueil du public et un accompagnement des acteurs du territoire axé notamment sur le soutien au tourisme rural et à l’activité pastorale. 

 

À la croisée des chemins 

Cette année, dans le cadre de son plan de relance, le parc a fixé au rang de ses priorités la rénovation des cabanes pastorales dans le cœur du parc, la requalification des sentiers détériorés par l’érosion et le changement climatique, et la sensibilisation du public à l’environnement. À l’heure de son cinquantenaire, il se doit aussi de choisir son avenir. 

“La charte fait actuellement l’objet d’une évaluation. Concrètement, les élus locaux doivent se positionner en faveur de sa reconduction pour une durée de quinze ans à compter de 2027 ou pour sa refonte, qui supposerait une nouvelle enquête auprès des populations”, conclut Pierrick Navizet.

* Chronique d’un parc oublié : du parc de la Bérarde (1913) au parc national des Écrins (1973), de Jean-Paul Zuanon, IGA Grenoble, 1995.

 

©Parc national des Écrins

Encart

Repères  : Le Parc national des Écrins en chiffres 

  • 160 600 hectares, dont 93 000 de cœur de parc.
  • De 710 à 4 102 mètres d’altitude.
  • 50 sommets de plus de 3 500 mètres.
  • 7 120 hectares de glaciers.
  • 740 kilomètres de sentiers balisés et entretenus.
  • 7 subdivisions territoriales abritant autant de « Maisons du parc » et le siège social, situé à Gap.
  • 49 communes adhérentes dont 12 dans le département de l’Isère, en Oisans et dans le Valbonnais. 
  • 40 refuges.
  • 2 178 espèces végétales identifiées, dont 282 à l’état endémique, comme la reine des Alpes ou la potentille du Dauphiné.
  • 406 espèces de vertébrés : chamois, bouquetins, marmottes, hermines, tétras-lyre, aigle royal, niverolle des Alpes...
  • 1 million de visiteurs par an.
Corps suite

Zoom

Image

 

Un riche programme d’animations 

À l’occasion de ses 50 ans, le parc national des Écrins propose un vaste programme d’animations. Coup d’envoi le 27 mars dans la Vallouise, lors d’une manifestation au cours de laquelle seront présentés une exposition dédiée, un film et des images d’archives. 

Par ailleurs, dès le mois d’avril, des conférences et des « apéro sciences » réuniront scientifiques et grand public pour échanger sur des problématiques du territoire, de la biodiversité, des sports de montagne et de la forêt. 

Enfin, des itinéraires et des expositions, encore en cours de labellisation, seront programmés avec les partenaires dans les sept vallées du parc à destination des scolaires et du grand public. 

Une bonne occasion de découvrir ou de redécouvrir la richesse de ce territoire protégé. 

Programmation et informations sur ecrins-parcnational.fr

Corps fin

Histoire

Image
Le parc de La Bérarde a été créé sur le modèle de la réserve suisse de l’Engadine sur les hauteurs de Saint-Christophe-en-Oisans.

 

Du parc de La Bérarde au parc national des Écrins 

On imagine parfois que la protection de l’environnement et de la biodiversité sont des préoccupations récentes en France. À tort ! La sauvegarde des milieux considérés comme fragiles s’est invitée dans le débat dès le milieu du XIXe siècle.

Déjà, à cette époque, de nombreuses voix s’élèvent en faveur de la restauration de la vallée pastorale du Haut-Vénéon, en proie au surpâturage qui provoque crues et inondations, au grand dam des industriels qui s’installent dans la vallée de la Romanche. C’est dans ce contexte qu’Alphonse Mathey se met en tête de créer le premier espace protégé de France. 

Le nouveau conservateur des Eaux et Forêts de Grenoble bénéficie de l’appui de la Société des touristes du Dauphiné et du Club alpin français (CAF), promoteurs de la mise en valeur touristique de La Bérarde, un haut lieu de l’alpinisme récemment sorti de l’anonymat et chargé d’une valeur symbolique. 

Plaidant pour “l’intérêt d’une réserve abandonnée aux seules forces de la nature”, Alphonse Mathey convainc l’État d’acheter 4 248 hectares de pâturages à la commune de Saint-Christophe-en-Oisans pour en faire un laboratoire à ciel ouvert de la capacité d’auto-régénération de la nature. 

Ainsi naît, le 31 décembre 1913, le parc national de la Bérarde, qui deviendra en 1924 le parc national du Pelvoux. Mais la guerre éclate. 

Cinq ans plus tard, l’enthousiasme des pionniers n’est plus de mise. Le pays, en pleine reconstruction, est confronté à des difficultés économiques et sociales, et les préoccupations environnementales passent à la trappe.

Le CAF et le Touring Club de France, tournés vers un alpinisme plus sportif, prennent leurs distances, laissant le parc dans les mains des seuls forestiers, qui s’efforcent de le faire vivre tant bien que mal, en l’absence de statut juridique et d’objectifs clairement définis. 

Jusqu’à ce que la loi de 1960 sur la création des parcs nationaux permette de relancer le projet. Et que naisse, treize ans plus tard le cinquième parc national français, celui des Écrins. 

 

©Musée Dauphinois

6
minutes de votre temps
A- A+
Publié le
Modifié le