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Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de profil type de l’allocataire du RSA. L’objectif du Département est de mettre en place des actions qui valorisent les compétences de chacun, pour que tous puissent trouver leur place dans la société grâce à un emploi stable.
Près du quart des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) ont des problèmes liés à la santé ou au handicap.
“Nul n’est inemployable ! Et le RSA n’est pas une fatalité, y compris pour ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi. Pour les aider à s’en sortir, des solutions existent, mais il faut qu’elles s’exercent en continu et prennent en compte toutes leurs difficultés : santé, logement, mobilité, garde des enfants... ”, explique Christophe Charles, vice-président du Département en charge de l’action sociale, de l’insertion et du logement.
Avec ses nombreux partenaires, le Département a enclenché dès 2016 une nouvelle dynamique en matière d’accompagnement des allocataires du RSA. Le Programme départemental d’insertion vers l’emploi (PDIE) 2017-2021 affichait déjà la volonté de placer l’emploi au cœur de la politique d’insertion.
“Le travail est un droit pour tous. Mais beaucoup en sont exclus alors qu’ils ont des compétences et que de nombreux besoins ne sont toujours pas pourvus, poursuit Christophe Charles. D’où la nécessité de renforcer les actions existantes et d’en expérimenter de nouvelles pour leur permettre de sortir au plus vite de l’exclusion.”
Des expérimentations pour sortir du RSA
Premier enjeu de ce plan : se rapprocher du monde économique pour mieux concilier l’offre et la demande d’emploi, en permettant notamment aux personnes de montrer leurs aptitudes et leurs compétences en situation d’emploi.
Parmi les outils mis en place, les clauses sociales dans les marchés publics, avec des heures de travail réservées aux demandeurs d’emploi sur certains chantiers, les contrats aidés, les immersions en entreprise… Le Département mène aussi des expérimentations telles que la mise en place d’équipes Emploi d’abord appliquant une méthode de recrutement innovante.
L’objectif est d’aider les entreprises à diversifier les profils – et in fine lutter contre les préjugés sur les personnes allocataires du RSA.
L’objectif est aussi de changer le regard que ces derniers portent sur eux-mêmes, en mettant en avant leur savoir-faire et leur savoir-être et en leur redonnant confiance en eux.
“C’est tout le sens du principe de réciprocité mis en place en 2016, qui permet de valoriser les personnes en parcours d’insertion par leur engagement citoyen : bénévolat dans une épicerie solidaire, organisation de fêtes d’école, coups de main à des voisins dépendants... Cette démarche n’est pas obligatoire. Elle est proposée comme un tremplin supplémentaire pour se sentir utile et sortir de l’isolement”, précise Christophe Charles.
Enfin, pour s’assurer du juste versement de l’allocation RSA, le Département et la Caf de l’Isère mettent en place des contrôles renforcés pour vérifier que les allocataires disposent bien de toutes les conditions requises.
Si peu de fraudes sont constatées, il est important que l’allocation RSA revienne uniquement à ceux qui y ont droit. Ces contrôles permettent également de préciser les ressources à déclarer, le RSA étant un dispositif complexe dans lequel on peut avoir du mal à se repérer.
Aujourd’hui, le Département lance son nouveau programme départemental d’insertion vers l’emploi PDIE 2023-2027, qui vient amplifier les orientations portées depuis 2017, avec le concours de nombreux partenaires sur l’ensemble du territoire.
Interview
Christophe Charles, vice-président du Département en charge de l’action sociale, de l’insertion et du logement
L’humain au cœur de l’insertion
Isère Mag : Le Département vient d’adopter son nouveau plan d’insertion. Quels en sont les axes forts ?
Christophe Charles : Grâce au regard croisé des professionnels, élus, usagers, nous avons pu dresser un bilan positif des actions mises en place ces cinq dernières années.
L’objectif de ce nouveau programme est d’apporter des perspectives d’amélioration, notamment dans l’accompagnement des allocataires vers l’emploi. Nous devons mobiliser davantage les employeurs isérois qui en ce moment ont de gros besoins de recrutement. Un effort est aussi nécessaire dans le repérage des publics dits « invisibles » qui sont en situation de grande exclusion, en partenariat avec les associations caritatives et les centres sociaux.
Enfin, le Département souhaite soutenir davantage les initiatives locales pouvant contribuer à la politique d’insertion, portées par des acteurs publics ou privés.
I.M : Quels sont les publics prioritaires et pourquoi ?
C.C : Tous ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi : les familles monoparentales, qui sont découragées par les bas salaires et des horaires de travail incompatibles avec la charge des enfants ; les personnes qui cumulent les problèmes (santé, logement, mobilité…) et qui ont du mal à effectuer des démarches.
Enfin, les seniors qui sont pour certains encore loin de l’âge de la retraite. Pour toutes ces Iséroises et ces Isérois, il faut un accompagnement renforcé avec des solutions au cas par cas pour leur permettre un retour à l’emploi.
Les chiffres du RSA en Isère :
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Repères
Depuis 2016, le Département de l’Isère met en place de nombreux dispositifs pour que le revenu de solidarité active (RSA) favorise le retour à l’emploi. Ces mesures, conjuguées avec la reprise économique, ont permis de faire chuter le nombre d’allocataires de 14 %.
Cependant, 21 500 foyers vivent toujours avec le RSA en Isère. Sur fond de hausse des prix et du coût de l’énergie, les plus fragiles, comme les familles monoparentales, les seniors, les personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé, peinent à s’insérer sur le marché du travail.
Face à cette situation, le Département lance un nouveau plan d’action innovant pour les cinq ans à venir, le PDIE, qui ciblera en priorité les allocataires les plus éloignés de l’emploi, avec un accompagnement personnalisé et une offre d’insertion adaptée à chaque bassin de vie.
Zoom
Débroussaillage, création de mares… figurent parmi les missions confiées aux futures brigades environnementales.
Des brigades environnementales pour les espaces naturels
Concilier aménagement du territoire, restauration de la biodiversité et insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi : c’est le triple objectif que s’est fixé le Département de l’Isère avec la création de « brigades environnementales », qui seront chargées à partir de ce printemps d’intervenir sur les sites naturels acquis ou conventionnés avec les communes au titre de sa politique de l’environnement.
Afin de compenser les impacts écologiques liés à des aménagements structurants des communes – la construction d’une nouvelle école par exemple –, le Département a mis en place un mécanisme d’acquisition de terrains à fort potentiel de biodiversité. Des terrains qui doivent être aménagés et entretenus pour jouer pleinement leur rôle d’accueil de la faune et de la flore.
Arrachage des plantes invasives, débroussaillage, création de mares ou pose de clôtures : autant de missions qui seront confiées à ces brigades mobiles – deux équipes de six personnes, recrutées en priorité parmi des allocataires du RSA, qui interviendront l’une en Nord-Isère et l’autre dans le Sud.
“Les employés bénéficieront d’une formation pour acquérir les qualifications nécessaires à l’entretien des milieux naturels”, précise Pierre Hetzel, directeur adjoint de l’aménagement au Département. Car l’objectif pour ces personnes est avant tout de développer des compétences pour retrouver un emploi durable.
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Franck Roucaute et Charles Giraud sont tous deux conseillers « Emploi d’abord » à Grenoble.
Recruter sans CV : la méthode « Emploi d’abord »
Et si l’entretien d’embauche portait sur les tâches concrètes à effectuer dans l’entreprise et non sur les expériences passées ?
C’est ce que propose la méthode Transfert-IOD avec son opération « Emploi d’abord », qui est déployée depuis septembre 2019 à Villefontaine et depuis septembre 2020 dans le sud de l’agglomération grenobloise par le Département de l’Isère pour favoriser le recrutement des allocataires du RSA.
“Il s’agit de modifier les conditions de la rencontre entre des petites et moyennes entreprises qui ne trouvent pas de candidat, et des personnes qui ne sont jamais reçues, car leur CV est plein de trous”, explique Rebecca Andézian, cheffe de projet au Département.
Pour fonctionner, la méthode suppose au préalable un travail approfondi sur les postes à pourvoir sur le territoire : “Les offres sont beaucoup plus détaillées qu’une annonce classique. L’idée est de présenter à l’employeur des personnes réellement motivées.” Pendant la période d’essai, le conseiller « Emploi d’abord » reste présent pour sécuriser la prise de poste. L’entreprise, en contrepartie, doit s’engager sur un CDD d’au moins six mois ou un CDI.
L’objectif initial était de 60 % de retour à l’emploi pour les personnes accompagnées et de 40 % sur un contrat longue durée au bout de trois ans.
“Nos résultats sont très encourageants, malgré l’impact de la crise sanitaire et la première année de mise en route : 35 % des allocataires accompagnés dans les deux territoires sont sortis en emploi durable (contrat longue durée avec période d’essai validée).” Cette expérimentation va se déployer dans d’autres territoires si ces résultats se confirment.
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Le programme « Micro-action altruiste créative » propose des séances de travail collectives pour mettre en lumière les compétences.
Redonner du pouvoir d’agir
Cindy, très douée en tricot et toujours prête à rendre service, vient de finir une formation d’assistante de vie. Elle est sur le point de signer un contrat. Émilie, passionnée de jeux de société et très attentive aux autres, a décroché un diplôme d’État d’assistant éducatif et social. Laurence, proche de la nature et très créative, a créé son activité de fabrication et de vente en ligne de soins cosmétiques.
Toutes les trois sont des ex-allocataires du RSA qui ont pu bénéficier du programme « Micro-action altruisme créative », une méthode basée sur la psychologie positive qui leur a permis de révéler leurs talents.
Depuis 2021, le Département a formé plusieurs dizaines de travailleurs sociaux à cet outil, dont l’objectif est de redonner du pouvoir d’agir aux plus fragilisés. Concrètement, durant un mois et à raison de huit demi-journées, les participants travaillent par petits groupes ou individuellement sur des exercices qui mettent en lumière leurs ressources.
“L’idée est de les aider à lancer un micro-projet solidaire à partir de ce qui les anime afin qu’ils reprennent confiance en eux. Cindy a ainsi décidé de tricoter des accessoires en laine pour des personnes sans domicile fixe et Émilie a animé des ateliers jeux pour des jeunes”, explique Virginie Terrancle, référente RSA pour la Maison du Pays voironnais qui a déjà encadré huit stagiaires. Parmi eux, plus de la moitié ont déjà accédé à une formation ou à un emploi.
Zoom
Pôle emploi et le Département de l’Isère travaillent main dans la main pour épauler les personnes qui cumulent les difficultés.
Un accompagnement renforcé et personnalisé
Outre la difficulté à trouver du travail, les demandeurs d’emploi peuvent être confrontés à d’autres problèmes d’ordre familial, social ou de santé qui freinent leur parcours d’insertion.
Lancé en 2014, l’accompagnement global leur permet de bénéficier pendant six mois d’un soutien intensif assuré par un conseiller de Pôle emploi et un travailleur social du Département.
“Conjointement, ces deux professionnels les épaulent dans leurs démarches, tout en coordonnant leurs actions, chacun dans son domaine de compétence”, explique Valérie Jandet, chargée de mission à Pôle emploi, qui poursuit avec un exemple très parlant : “Récemment, nous avons accompagné une personne dans une situation très fragile, mais dotée d’une grande volonté. Grâce à ce dispositif, elle a pu bénéficier d’un soutien psychologique financé par le Département et son assistante sociale l’a aidée à trouver un logement.
Parallèlement, son conseiller Pôle emploi l’a orientée vers une formation d’auxiliaire de vie. Par ailleurs, l’obtention de son permis de conduire, financé par nos services, lui a permis de basculer d’un temps partiel à un temps plein.”
Ce partenariat rapproché des deux institutions donne de très bons résultats. En 2021, près de 2 000 demandeurs d’emploi, dont 65 % d’allocataires du RSA, ont été accompagnés et 40 % ont trouvé du travail ou une formation.
©B.Clergue