De Saint-Christophe-en-Oisans à la Bérarde : une route séculaire

Publié le
Modifié le
Une route de caractère, qui serpente entre les précipices dans un cadre exceptionnel.
  • Culture
  • Notre histoire
Chapô

Le 13 juillet 1921, une voiture automobile inaugure la route reliant Saint-Christophe-en-Oisans à la Bérarde, au cœur du massif des Écrins. Retour sur l’histoire de cette route mythique, à vocation touristique.

Le véhicule, parti de Grenoble trois heures plus tôt, amène un fonctionnaire vicinal chargé du contrôle de la viabilité des routes. “Un fait historique qui clôt l’ère de l’alpinisme héroïque”, titre La Revue mensuelle du CAF dans son numéro de l’été 1921 au lendemain de cette première.

Car il fallait auparavant cinq heures en diligence pour relier Grenoble au Bourg-d’Oisans et sept heures à pied du Bourg-d’Oisans à la Bérarde, déjà considérée comme la Mecque de l’alpinisme. Dans L’Illustration du 5 octobre 1929, Henry Bordeaux livre une vision moins idyllique : “Pour trouver vraiment de l’horreur, de la belle horreur alpestre, il faut prendre la route de la Bérarde. Une route vertigineuse, souvent taillée dans le roc où on croirait aux virages que les automobilistes vont être projetés dans le vide.”

De fait, cet itinéraire de 11 kilomètres qui surplombe le Vénéon s’apparente à un chemin de montagne sinueux, d’une largeur de 2,50 à 3 mètres, qui ne permet ni croisement ni doublement, excepté sur quelques garages aménagés sur les bas-côtés. Sa viabilité étant hasardeuse, la circulation est soumise à des règles strictes. Dès le 16 juillet, un arrêté préfectoral impose un alternat réservant la route aux véhicules montant de 9 heures à 14 h 30 et de 18 h 30 à minuit, et fixe la vitesse maximale à 25 km/h.

L’inauguration de ce tronçon de route au départ de Saint-Christophe-en-Oisans marque l’aboutissement d’un projet de liaison entre le Bourg-d’Arud et la Bérarde né au siècle précédent. Après l’exécution d’une première tranche de travaux reliant le Bourg-d’Arud au Plan-du-Lac entre 1881 et 1883, puis sa poursuite jusqu’à Saint-Christophe-en-Oisans entre 1895 et 1896, les travaux ont débuté en direction de la Bérarde dès 1911, avant d’être interrompus par la guerre, puis de reprendre en 2020.

En dépit du manque d’archives, on peut imaginer les difficultés techniques auxquelles se sont heurtés les ouvriers sur ce chantier. Non que la pente ait présenté de grosses difficultés.

“Elle n’est que de 0,45 % entre les Étages et la Bérarde. Rien à voir avec la route du Galibier”, analysait André Allix dans un article de la Revue de géographie alpine en 1922*. La difficulté provient du caractère aérien de la voie, accrochée en encorbellement à un versant raide sur les deux tiers de sa longueur et de son exposition aux risques naturels.

 

Image

 

Une route d’intérêt touristique

Si l’intérêt local de cette route a pu se justifier jusqu’à Saint-Christophe-en-Oisans, la desserte des hameaux des Étages et de la Bérarde ne présentait pas le moindre intérêt, la vie pastorale, animée avant-guerre, s’étant éteinte. Mais dès la fin du XIXe siècle, on venait de Paris, de Munich ou d’Angleterre, attiré par les exploits des alpinistes et la figure pittoresque des guides-paysans popularisés par Gaspard de la Meije.

Les pionniers du tourisme et de l’alpinisme se sont mis en tête de faire de la Bérarde l’égal de Zermatt. Encore fallait-il en faciliter l’accès, quel qu’en soit le prix ! À cet égard, la liste des investisseurs est significative. Le Touring Club de France, à l’initiative de la création de cette route, a su convaincre la Compagnie PLM, le Club alpin français, la Société des touristes du Dauphiné, le syndicat d’initiative de Grenoble et du Dauphiné, puis le Département et l’État de mettre la main à la poche, pour un montant final de plus de 1 million de francs !

“Quelle que soit l’importance de la dépense, c’est de l’argent bien placé puisque l’une des plus belles parties de nos superbes Alpes françaises est maintenant accessible à tous”, concluait la Revue du Touring Club de France en novembre 1921.

 

* « La route de la Bérarde », d’André Allix. Revue de géographie alpine, tome X, n° 3, 1922.
Encart

Repères

Une route sous surveillance

La route de la Bérarde, dont l’entretien est assuré par les services du Département, est exposée à des crues torrentielles, des éboulis, des avalanches qui descellent les murs souterrains, arrachent les parapets, emportent même parfois la chaussée sur plusieurs mètres.

Chaque année, au printemps et à l’automne, des hommes défient le vide pour la restaurer tout en conservant son caractère montagnard.

En dépit des travaux titanesques qui ont été réalisés à l’aube du XXe siècle, aujourd’hui encore, l’entretien de la RD 350 est exigeant et la route, placée sous constance surveillante, reste fermée une partie de l’hiver.

Corps suite

Zoom

Une route longtemps délaissée

La route reliant le Bourg-d’Arud à Saint-Christophe-en-Oisans est longtemps restée déserte. Selon André Allix, seuls trois automobilistes l’ont empruntée jusqu’en 1921, pour des raisons médicales, et moyennant, dit-on, des honoraires extravagants.

Ce qui tend à prouver, s’il en était encore besoin, que Saint-Christophe-en Oisans n’a jamais été un but pour les automobilistes, mais un passage obligé pour atteindre la Bérarde. De fait, dès l’été 1921, en dépit des difficultés de circulation, elle a trouvé son public.

“Durant la saison, on peut y voir jusqu’à 20 cas déversant leurs flots quotidiens de touristes”, rapportait L’Illustration en octobre 1929.

Corps fin

À voir

Image

 

Une exposition pour les 100 ans

À Saint-Christophe-en-Oisans, à deux pas du cimetière où reposent les célèbres guides de la Bérarde et du Vénéon, le musée Mémoires d’Alpinismes retrace, sur trois niveaux, l’histoire de l’alpinisme et les émotions fortes propres à cette discipline.

“Il y a trois ans, lorsque nous avons souhaité renouveler notre exposition temporaire, l’idée de célébrer les 100 ans de cette route mythique s’est imposée”, explique le maire de Saint-Christophe-en-Oisans, Jean-Louis Arthaud.

L’exposition retrace, à travers près de 200 documents – maquette, photos, cartes postales, vidéos… – la transformation de la sente où ne passait qu’un mulet en une route carrossable permettant aux amoureux de la montagne de rejoindre leur éden, avant de s’intéresser à son exploitation qui, aujourd’hui encore, relève parfois de la prouesse.

Ouvert jusqu’au 30 septembre tous les jours de 10 h à 12 h 30 et de 14 à 18 h. À partir du 1er octobre, les mardis et mercredis de 14 à 17 h pendant les vacances scolaires et sur réservation pendant les autres périodes.

 

Contact : 04 76 79 52 25

4
minutes de votre temps
A- A+
Publié le
Modifié le