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La période révolutionnaire est également celle d’une vraie révolution esthétique et d’un nouvel engouement pour le paysage. Pittoresque, allégorique ou antiquisant, il se révèle au musée de la Révolution française sous ses différentes facettes dans une exposition passionnante.
Le Triomphe de la liberté, Colinart-1790.
Triomphante sur son rocher, une déesse à l’allure guerrière dresse une pique surmontée d’un chapeau avec un pompon tricolore, au centre d’un ample paysage pastoral.
À sa droite, un coq dresse ses ergots face à l’arbre du despotisme, couvert de chaînes et rongé par les serpents, sous un épais nuage. Cette peinture de Colinart datée de 1790, Le Triomphe de la Liberté, nous met bien dans l’ambiance de cette période révolutionnaire ! Les cendres de la Bastille sont encore fumantes et les emblèmes de la monarchie doivent céder la place à ceux de la jeune République.
Mais l’importance occupée par ce paysage d’inspiration hollandaise où tout fait sens illustre aussi la révolution picturale en cours. “Le paysage, jusque-là considéré par l’académie comme un genre mineur par rapport à la peinture d’histoire ou au portrait, fait une entrée en masse dans la production artistique et dans les demeures bourgeoises, explique Alain Chevalier, conservateur du musée de la Révolution française, à Vizille. Les idées de Rousseau et des philosophes des Lumières ont été assimilées : un désir de nature et de voyage s’exprime dans ces tableaux, loin des préoccupations politiques.”
Le Salon de 1793, premier événement artistique d’envergure organisé à Paris par la nouvelle Commune des arts et désormais ouvert à tous les artistes vivants, témoigne de cette évolution et des diverses sensibilités. Deux grandes tendances se dessinent : d’un côté, les paysages de type nordique ou italien, et de l’autre ceux inspirés de l’Antiquité, à la manière de Nicolas Poussin.
Une famille au bord de la Seine, François Sablet -1794/95
Du pittoresque à l’invitation au voyage
“La Révolution et ses attributs tricolores sont présents, mais en sous-texte, dans des représentations allégoriques ou pittoresques d’une nature rêvée”, poursuit Alain Chevalier.
Dans un portrait de famille en plein air peint par François Sablet, dernièrement acquis par le musée, la campagne en arrière-plan apparaît ainsi dénuée de toute propriété bâtie – château, église, village –, transformant la traditionnelle promenade dominicale en ode à la liberté retrouvée.
“Les peintres commencent dès cette époque à sortir de l’atelier avec leur chevalet pour croquer les paysages sur le motif, à l’exemple de Lazare Bruandet. Cet artiste, qui vit et peint dans la forêt de Fontainebleau, préfigure l’école de Barbizon et les romantiques du XIXe siècle.”
Les 45 tableaux réunis à Vizille (dont 15 appartenant au musée départemental, les autres provenant de différentes collections publiques) montrent bien ce bouleversement esthétique et les courants contradictoires qui le traversent durant une décennie insurrectionnelle. Le ciel tantôt serein et tantôt sombre de ces paysages révolutionnaires chargés de symboles est à l’image des espoirs et des inquiétudes suscités par cette période.
© D.Vincon
Pratique
« Le paysage révolutionnaire »
Du 1er juillet au 3 octobre - Entrée libre
Au musée de la Révolution française-Domaine de Vizille.
Contact : 04 76 68 07 35 - musees.isere.fr