- Patrimoine
Dans l’enceinte sacrée de l’abbaye médiévale, au cœur du village, l’ancienne apothicairerie abrite depuis cinquante ans un atelier de taille de pierre hors du temps. Voyage au temps des cathédrales, dans un village classé parmi les plus beaux de France.
Dégrossir, polir, poncer, sculpter, ciseler : la taille de pierre est un art de la patience et de la précision. Les gestes comme les outils — ciseaux, massette, boucharde — n’ont pas changé depuis la construction de l’abbaye de Saint-Antoine, démarrée au XIIe siècle.
Installé à l’ombre de ce majestueux édifice gothique, au cœur du village médiéval, dans une bâtisse pluriséculaire, Christophe Chevènement les perpétue depuis une trentaine d’années, au sein de l’atelier créé en 1970 par son père Claude, ancien compagnon du tour de France : « Pour nous, l’obsolescence programmée, c’est dans mille ans », sourit ce tailleur-sculpteur.
Dans la salle des maquettes, une miniature de la statue du Titeuf géant réalisée pour le couvent Sainte-Cécile à Grenoble (siège des Éditions Glénat) trône au milieu des esquisses de figurines, fontaines, croix celtiques, stèles funéraires… Les pierres sont plurimillénaires et les créations issues de l’atelier, faites pour durer.
Christophe Chevènement tient à cœur cette dimension artistique et spirituelle. « On m’a proposé dernièrement de faire des mètres de bordures de trottoir. Ce serait beaucoup plus rémunérateur. Mais ce n’est pas ma conception du métier. »
Dans la lignée des bâtisseurs de cathédrale
L’atelier a bien sûr mis sa patte sur l’église abbatiale, en cours de restauration. Comme la plupart des bâtiments hérités de l’ordre hospitalier des Antonins, l’édifice a été construit en molasse, cette pierre typique de la région qui confère son cachet au village. Celle-ci avec le temps a toutefois l’inconvénient de s’effriter : des blocs se détachent de la façade, dont certains sculptés de décors remontant au Moyen Âge. « Nous aurons du travail ici pour les 15 ans à venir », assure le sculpteur.
La carrière de molasse étant aujourd’hui épuisée, l’atelier fait venir des grès d’Alsace ou d’Espagne, agréés par l’architecte des Monuments historiques. En règle générale, les pierres proviennent d’ailleurs d’un peu partout… et repartent parfois à l’autre bout du monde, comme ce Christ destiné à une église de New York.
L’atelier des Bons Œuvriers est l’un des rares en France à transmettre son savoir-faire à des apprentis. En trente-trois ans, 450 stagiaires sont passés entre ses murs, 150 femmes et 300 hommes qui apprennent à travailler à l’ancienne, à la main. Les visiteurs sont aussi les bienvenus (sur demande). Un moyen de s’immerger au temps des bâtisseurs de cathédrales.
© F.Pattou
Plus d’infos : formationtailledepierre.fr
Encadrés
Un village parmi les plus beaux de France
Difficile de ne pas succomber au charme de Saint-Antoine, ce village blotti autour de sa somptueuse église abbatiale de style gothique flamboyant, dans un paysage vallonné évoquant la Toscane.
Sauvé de la ruine par Prosper Mérimée, ancien inspecteur des Monuments historiques, il a conservé ses venelles bordées de maisons à colombages, de belles demeures Renaissance percées de fenêtres à meneaux et de nombreuses façades ouvragées.
© Pierre Jayet
Encadrés
Le musée de Saint-Antoine l’abbaye
Dans l’ancien noviciat, où étaient accueillis les novices avant la prononciation de leurs vœux jusqu’au XVIIIe siècle, le musée départemental retrace dans une exposition permanente la riche histoire des hospitaliers de Saint-Antoine, ces moines-guérisseurs qui des siècles durant, prenaient en charge grâce à leur connaissance des plantes médicinales, les milliers de victimes atteintes du mal des Ardents, une sorte de peste qui sévissait à l’époque. Un film en 3D met en lumière l’épopée des bâtisseurs au Moyen Age.
En traversant la grande cour arborée, on poursuit la découverte toutes narines ouvertes dans les anciennes écuries, où une installation olfactive évoque les vertus thérapeutiques des parfums depuis l’Antiquité à aujourd’hui. La scénographie vient d’être totalement renouvelée. Une visite qui met tous les sens en éveil !
Plus d’infos : musees.isere.fr – Rubrique : musée / Musée de Saint-Antoine l’Abbaye
Où se restaurer ?
La table paysanne de la grange du haut
À Saint-Antoine-l’Abbaye, dans une ferme auberge en pisé perchée sur la colline, on déguste les produits du terroir, cultivés et transformés sur place, dans une ambiance rustique et conviviale.
gite-grange-du-haut.com - (sur réservation) 06 77 66 29 36
Pour aller plus loin : tourisme.saintmarcellin-vercors-isere.fr