Champollion, le déchiffreur

En perçant le secret des hiéroglyphes, Jean-François Champollion  ouvre les portes de la civilisation égyptienne.
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Le 14 septembre 1822, au terme de quinze ans de recherches, Jean-François Champollion perce le secret des hiéroglyphes, ouvrant du même coup les portes de la civilisation égyptienne.

En perçant le secret des hiéroglyphes, Jean-François Champollion ouvre les portes de la civilisation égyptienne.

 

Le 14 septembre, dans sa mansarde de la rue Mazarine à Paris, Jean-François Champollion, 31 ans, étudie la reproduction de bas-reliefs provenant d’un temple d’Abou-Simbel, monument datant de l’époque pharaonique et non corrompu par le grec.

Deux cartouches retiennent son attention. N’en croyant pas ses yeux, il parvient à déchiffrer les noms des pharaons Ramsès et Thoutmès, prouvant ainsi que sa théorie, qu’il ne croyait jusque-là applicable qu’aux noms des souverains étrangers et tardifs, s’appliquait également aux plus grandes dynasties de l’Égypte antique. “Je tiens mon affaire !”, s’écrie-t-il avant de sombrer, ivre de fatigue et d’émotion, dans un état léthargique dont il n’émergera que cinq jours plus tard.

Sans avoir jamais mis les pieds en Égypte, Champollion vient de percer le secret le mieux gardé de l’histoire. “Cette image donne une vision canonique et parcellaire du travail de Champollion ; le déchiffrement ne se résume pas à l’éclair de génie d’un homme qui aurait eu une révélation en comparant les versions égyptienne et grecque gravées sur la pierre de Rosette. C’est l’aboutissement de quinze ans de recherches intensives”, tempère Karine Madrigal, égyptologue, membre de l’ADEC, qui a étudié le fonds Champollion aux Archives départementales.

 

Une quête obsessionnelle

Copiant, comparant, rédigeant des milliers de fiches signalétiques, détaillant les antiquités, le jeune érudit se plonge dans sa quête bien avant de se procurer un estampage de la pierre de Rosette en 1808, à l’âge de 18 ans.

En observant les écritures hiéroglyphique, hiératique et démotique, il découvre qu’elles suivent des règles identiques et parvient à établir un premier alphabet phonétique via le grec. Mais il se heurte toujours à la même interrogation sur la nature des hiéroglyphes. Phonogrammes ? Idéogrammes ?

À force de travail, d’hypothèses, de remise en question et d’intuition, il va démontrer qu’un hiéroglyphe n’est pas une chose unique. “Il peut, en fonction des différentes combinaisons utilisées, représenter un son ou une idée ou encore donner une indication sur le mot qu’il accompagne”, poursuit Karine Madrigal.

 

Naissance de l’égyptologie

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Le Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, écrit par Jean-François Champollion (1828).

 

Le 27 septembre 1822, dans une lettre adressée à l’historien helléniste Bon-Joseph Dacier, Champollion expose le résultat de ses découvertes devant les membres de l’Académie des inscriptions et belles lettres, à Paris.

“Cela signifie que les hiéroglyphes sont la transcription d’une langue parlée et en approfondissant ces recherches, nous réussirons peut-être à lire tous les hiéroglyphes depuis le début de la civilisation égyptienne”, conclut, lucide, celui qui ne va jamais cesser d’approfondir sa démarche durant les dix années qui le séparent de sa mort.

Il publiera le Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens en 1824, puis après son décès survenu en 1832 son frère publiera sa Grammaire égyptienne et son Dictionnaire égyptien.

Au-delà de la langue, Champollion ouvre les portes de la civilisation égyptienne. Les temples et les tombeaux, dont on ne savait ni par qui ni pourquoi ils avaient été construits, vont livrer leurs secrets.

L’Égypte va supplanter l’antiquité gréco-romaine, provoquant des mouvements dans les arts et des basculements de références. “Jusque-là, on parlait de l’Égypte. Champollion fait parler l’Égypte, c’est différent”, résume l’égyptologue Richard Lebeau dans un raccourci saisissant.

 

Encart

Musée Champollion : 45 rue Champollion, à Vif - Entrée gratuite - 04 57 58 88 50

Réservation sur : musees.isere.fr

 

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Repères

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Portrait de Jean-François Champollion par Victorine-Angélique-Amélie de Rumilly (après 1822, huile sur toile).

 

Champollion l’Égyptien

Né le 23 décembre 1790 à Figeac, Jean-François Champollion rejoint, en 1801, son frère Jacques-Joseph, à Grenoble, qui l’initie à l’Égypte antique.

Surdoué mais mauvais élève, hyperactif, impétueux, parfois dépressif, l’adolescent va y trouver une issue à son mal-être. “N’y a-t-il personne qui sache lire l’écriture des Égyptiens ? Un jour, moi je la lirai”, écrit-il à son frère à l’âge de 15 ans.

Persuadé que la clé du déchiffrement passe par la maîtrise des langues voisines, il se passionne pour l’étude de l’hébreu, de l’arabe, du syriaque et du chaldéen, auxquels il ajoute le chinois et surtout le copte, dernière évolution de l’égyptien ancien.

En 1822, Champollion donne naissance à une nouvelle science. En 1826, le roi Charles X le nomme conservateur du tout nouveau département des antiquités égyptiennes du Louvre. Deux ans plus tard, il embarque enfin pour l’Égypte et à son retour, prend la tête de la toute première chaire d’égyptologie au Collège de France.


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La pierre de Rosette, un bloc de 700 kg de basalte noir d’un mètre de hauteur, a été embarquée sur un navire à destination de la France, mais les Anglais l’ont interceptée et transporté à Londres, au British Muséum, où elle est visible aujourd’hui encore.

 

La pierre de Rosette, clé du déchiffrement

En juillet 1799, pendant la campagne d’Égypte conduite par Bonaparte, un officier découvre à Rashid, dans le delta du Nil, un fragment de stèle gravée en 196 av. J.-C.

L’inscription qu’elle comporte, un décret fiscal promulgué par le pharaon Ptolémée V, est rédigée en trois écritures – hiéroglyphes, démotique (une variante cursive tardive) et grec ancien – renvoyant aux deux langues parlées, l’égyptien et le grec.

C’est grâce à sa connaissance du copte et du grec, et en établissant des correspondances entre les trois versions, que Champollion a résolu l’énigme, démontrant que les hiéroglyphes étaient une écriture à la fois figurative et phonétique.


 

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Champollion, héritier de plusieurs siècles d’histoire

“Les travaux de Champollion et l’apport fondamental du déchiffrement sont l’aboutissement de siècles de questionnement et de recherches”, rappelle Maëva Gervason, archéologue et chargée d’animations culturelles au musée Champollion à Vif, avant de rappeler les grandes lignes de la chronologie.

Si la fin du paganisme, en 391, a propulsé les hiéroglyphes dans l’oubli, ceux-ci ont suscité la curiosité des scientifiques européens bien avant la découverte de la pierre de Rosette.

Le premier d’entre eux, le père Athanasius Kircher véhicule dès le XVIIe siècle une image ésotérique des hiéroglyphes qui va biaiser le travail des futurs déchiffreurs, mais il oriente le déchiffrement dans la bonne voie en émettant l’hypothèse de la filiation entre le copte et l’égyptien ancien.

En 1762, Jean-Jacques Barthélemy, l’auteur d’une première méthode de déchiffrement des langues anciennes à partir du grec et du palmyrénien, découvre que les cartouches en hiéroglyphes contiennent les noms des pharaons.

Deux avancées considérables qui ont permis de mettre en place les conditions favorables à la lecture des hiéroglyphes.


À Lire

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Karine Madrigal est égyptologue. Missionnée en 2010 sur un projet d’étude d’envergure grâce au professeur Goyon et à l’Association Dauphinoise d’Égyptologie Champollion, elle a réalisé l’inventaire des 60 volumes d’archives des Champollion conservés aux Archives départementales de l’Isère.

S’appuyant sur ces documents et sur l’étude qu’elle en a faite, elle publie aujourd’hui aux éditions Belles Lettres « La Pierre de Rosette et le duo Champollion : l’aventure du déchiffrement des hiéroglyphes », plongeant le lecteur dans les coulisses de l’une des découvertes les plus spectaculaires de l’histoire.

Dans cet ouvrage retraçant l’épopée de la pierre de Rosette et la bataille des hiéroglyphes, Karine Madrigal remet en lumière le rôle crucial tenu par les frères Champollion et jette un regard neuf sur l’implication de l’entourage du déchiffreur, notamment celle de son frère aîné.

 

 

 

 

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