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- Événement
Connu pour ses scènes intimes, ses nus et ses paysages tout en vibrations colorées, Pierre Bonnard est à l’honneur au Musée de Grenoble, qui lui consacre une grande exposition, en partenariat avec le musée d’Orsay.
Le tableau, une simple Nature morte jaune et rouge (c’est son titre), est tout petit. Mais l’intensité des couleurs gorgées de soleil comme la densité de la chair happent la plupart des visiteurs du Musée de Grenoble.
Dans la même salle, les habitués sont aussi attirés par cet Intérieur blanc nimbé d’une lumière diaphane, qui s’ouvre sur un paysage méditerranéen. Chaque objet se pare de reflets nacrés un peu irréels, dégageant une atmosphère chargée de mystère.
Ce chef-d’œuvre fut acquis dès 1933 par le conservateur Andry-Farcy, à une époque où Pierre Bonnard (1867-1947) bénéficiait déjà d’une notoriété internationale. Jusqu’au 30 janvier 2022, grâce à un prêt exceptionnel du musée d’Orsay, il prend place parmi 75 autres toiles, une trentaine de dessins et affiches et une vingtaine de photographies, au sein d’un parcours inédit.
“On a souvent surnommé Bonnard le peintre du bonheur. Mais son œuvre est bien plus complexe et profonde que cela, décrypte Sophie Bernard, commissaire de l’exposition avec Guy Tosatto. Le fil rouge, c’est son travail sur la lumière et ses couleurs, qui changent au gré des lieux et des périodes de sa vie.”
On découvrira ainsi que les tout premiers paysages qui vont l’inspirer, où domine un vert mordoré, sont ceux de l’Isère et plus précisément de la plaine de Bièvre, où le jeune parisien avait ses racines.
Chaque été, Pierre Bonnard, accompagné de son épouse Marthe, retrouvait en effet sa sœur Andrée, son beau-frère le compositeur Claude Terrasse et leurs cinq enfants dans la maison familiale du Grand-Lemps. Les scènes de la vie de famille, baignées de lumière vaporeuse, sont encore sous l’influence japonisante des Nabis – ce mouvement qu’il a fondé à ses débuts avec ses amis Paul Sérusier, Maurice Denis et quelques autres.
Une lumière qui irradie de l’intérieur
Très vite, l’artiste, grand admirateur de Monet, prendra toutefois son indépendance pour se plonger dans sa quête très personnelle des couleurs de la lumière. Celles de la Normandie où il achète une propriété, Ma Roulotte, non loin de Giverny, et peint de nombreux paysages panoramiques. Celles qui émanent du corps nu et immaculé de Marthe, sa muse et modèle intemporel, qu’il ne cessera de peindre à la toilette ou dans son quotidien solitaire. Celles enfin du Midi, qui vont illuminer sa palette.
Après maints allers-retours entre Paris et sa villa du Cannet, Le Bosquet, il s’y établira définitivement en 1939, pendant la guerre. Son « atelier au mimosa », éclatant de jaunes et d’orangés, apparaît comme un manifeste à la lumière dans ces années noires.
Bonnard laissera 700 toiles et des milliers de dessins dans son atelier. Son tout dernier tableau, L’Amandier en fleurs, peint entre 1946 et 1947, a tout d’un lumineux testament.
Pratique
- « Bonnard, les couleurs de la lumière »
- Jusqu’au 30 janvier 2022 au Musée de Grenoble
Plus d'infos : museedegrenoble.fr
Zoom
Fresque au Grand-Lemps représentant Pierre Bonnard et ses amis.
Pierre Bonnard au Grand Lemps
De 1860 à 1910, Pierre Bonnard passe régulièrement ses vacances dans sa maison familiale du Grand-Lemps. Il y trouvera toute sa source d’inspiration.
Une campagne reposante ponctuée de coteaux et d’un vaste damier de couleurs à la belle saison. À moins d’une heure de Lyon et de Grenoble, la plaine de la Bièvre a su garder son authenticité. Parsemé de vignes et d’étangs avec de magnifiques points de vue sur le Vercors et la Chartreuse, le paysage est presque resté tel que Pierre Bonnard l’a connu.
Jusqu’en 1910, le peintre a passé ici tous ses étés en villégiature dans la maison familiale du Grand-Lemps. Héritée de son grand-père paternel, le Clos – c’est son nom – est un havre de paix pour ses parents qui vivent à Paris avec leurs trois enfants. Dans un atelier aménagé par sa mère au deuxième étage, Pierre y réalisera ses premières peintures et dessins.
La maison, occupée aujourd’hui par un particulier, ne se visite pas. Cependant, on peut toujours s’imprégner de l’univers de l’artiste en arpentant la petite commune et la nature alentour dont le vert jaune des prairies et le bleu tendre du ciel ont composé l’essentiel de sa palette.
L’église Saint-Jean-Baptiste, la halle, les maisons et les montagnes ont aussi servi de sujets à ses nombreux dessins. Des plaques ont par ailleurs été installées dans la commune pour retrouver les lieux qu’il a croqués. Au Grand-Lemps, Pierre Bonnard a sans doute passé les plus belles années de sa vie.
Au café Brosse au centre du bourg, à l’angle de la Grand’rue et de la rue Jarry, fermé aujourd’hui, il accueillait ses amis mais aussi ceux de Claude Terrasse, son beau-frère, compositeur de musique.
© MGiraud
- Centre PompidouRogi André, Pierre Bonnard dans une chambre d’hôtel à Deauville, 1937. Paris, Centre Pompidou. Musée national d’art moderne
Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / P. Schmidt
Effet de neige, vers 1901. Paris, musée d’OrsayFondation Glénat pour le patrimoine & la création / J.M Blache
Lac dans le Dauphiné, vers 1916. Grenoble, Fondation GlénatRMN-Grand Palais (musée d’Orsay)/H. Lewandowski.
Le Grand Jardin, vers 1898-1899.Centre Pompidou-RMN-Grand-Palais/B.Prevost
L’Atelier aux mimosas, 1939-1946.RMN-Grand-Palais/Agence Bulloz
Nu dans le bain, 1936.RMN-Grand Palais (musée d’Orsay)
La femme au chat, 1912.