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Le théâtre antique de Vienne a résonné des clameurs d’un public enthousiaste avant de tomber dans une longue période d’oubli, puis d’être redécouvert au XIXe siècle. Redevenu lieu de vie, il a fait l’objet d’un important programme de restauration entre 2018 et 2020.
La 40e édition de Jazz à Vienne, qui devait se tenir du 25 juin au 11 juillet 2020, a dû être reportée en raison de la crise sanitaire. Une décision d’autant plus douloureuse que le théâtre antique avait été rénové et agrandi.
“Objectif : apporter une touche contemporaine dans un monument qui a traversé les siècles”, selon les termes de Philippe Allart, architecte du patrimoine du cabinet Alep, maître d’ouvrage du chantier. On oublie parfois qu’avant d’être un lieu de concerts, le théâtre antique est un joyau du patrimoine historique.
Construit entre 30 et 40 après J.-C. sur la rive gauche du Rhône, ce théâtre – l’un des plus grands de la Gaule romaine – pouvait accueillir 13 000 spectateurs. Ce qui en dit long sur la richesse de la ville.
À l’époque, la cité de Vienne, qui rayonne sur une grande partie de l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie, est l’une des villes les plus importantes de la Gaule. Elle en a tous les signes de richesse : temples, théâtre, odéon, stade, cirque. Dédié au divertissement et à la gloire de Rome, le théâtre réunit notables, plébéiens et esclaves à l’occasion de manifestations civiques ou officielles et de spectacles financés par les magistrats.
Tragédies, comédies, mimes, pantomimes et farces bouffonnes passionnent les foules, et font du site un haut lieu de la vie sociale, culturelle et politique du monde gréco-romain.
Quinze siècles d’oubli
À partir du IVe siècle, l’Église exige des empereurs qu’ils abolissent les jeux et les spectacles, symboles de « la puissance du mal ».
Dès lors, le théâtre, abandonné puis pillé par les barbares, sombre dans une longue période d’oubli. Ses pierres sont réutilisées pour la construction de maisons et ses vestiges disparaissent progressivement, enfouis sous plusieurs milliers de mètres cubes de terre et recouverts de végétation et d’habitations. Jusqu’à sa redécouverte au XIXe siècle.
En 1834, l’archéologue Claude-Thomas Delorme, par ailleurs conservateur du musée de Vienne, convainc Prosper Mérimée, inspecteur général des Monuments historiques, que “les vestiges de gradins et de souterrains antiques apparaissant dans un jardin particulier au pied de la colline de Pipet sont ceux d’un théâtre antique”.
l faudra néanmoins attendre les sondages réalisés au pied de Pipet en 1914 pour conclure de façon formelle que les vestiges sont ceux d’un théâtre et non d’un amphithéâtre, comme le rapportait la mémoire collective.
La deuxième vie du théâtre
En 1922, la ville de Vienne acquiert le terrain avec le concours de l’État, du Département et de la société des amis de Vienne, et charge Jules Formigé de conduire les fouilles afin de recréer un lieu de spectacle.
Il ne faudra pas moins de seize ans à l’architecte des Monuments historiques pour déblayer et restaurer l’édifice, rasant au passage 18 maisons et supprimant la place du Cirque et la rue Repentir. Le prix à payer pour dégager la scène !
Le théâtre est inauguré le 30 juillet 1938 devant un parterre d’invités triés sur le volet, en présence du président de la République, Albert Lebrun.
À partir de cette date, il accueille de nombreux spectacles, dans des registres variés : concerts d’art lyrique, de variété, danse… Depuis 1981, il sert d’écrin à Jazz à Vienne, qui attire 100 000 spectateurs chaque année. Reste à espérer que l’édition 2021, du 23 juin au 10 juillet, voit le jour.
Repères
Les nouveaux habits du théâtre antique
Le théâtre antique, qui date du Ier siècle, avait besoin de ce lifting, réalisé par étapes entre 2018 et 2020. Les gradins, nettoyés pierre par pierre, ont retrouvé leur blancheur originelle.
D’autres travaux ont conféré plus de fonctionnalité à l’édifice : restauration des déambulatoires, pose de garde-corps et d’escaliers, enfouissement de câbles, installation au sol de rubans LED, changement du revêtement de la scène…
Par ailleurs, la jauge a été augmentée de 500 places, portant la capacité d’accueil de 7 500 à 8 000 spectateurs, et un cabinet de curiosités a été aménagé pour présenter des pièces antiques.
Enfin, le chantier a permis de mettre à jour une partie des fondations jusque-là enfouies dans la végétation qui seront accessibles au public lors de visites guidées.
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Albert Lebrun en 1932
Une inauguration présidentielle
Le 30 juillet 1938, le président de la République, Albert Lebrun, est accueilli dans la matinée à la gare de Vienne par le député-maire de la ville, Lucien Hussel.
Après avoir visité l’hôtel de ville, le nouvel hôpital, le cloître Saint-André-le-Bas puis la chambre de commerce et posé la première pierre du nouveau pont sur le Rhône, le président Lebrun s’attable à la Pyramide, chez Fernand Point, pour un dîner gastronomique, rapporte La Vie lyonnaise.
Au même moment, 5 000 spectateurs l’attendent sur les gradins pour l’inauguration officielle du théâtre. L’impatience est palpable. Le concert, initialement prévu à 20 h 40, débute avec beaucoup de retard.
À l’affiche, La Damnation de Faust, d’Hector Berlioz, avec la célèbre cantatrice iséroise Ninon Vallin et le ténor belge Frédéric Anspach.
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Le temple d’Auguste et de Livie, un autre joyau de la Vienne antique
On sait généralement que la réalisation de la statue de la Liberté offerte par la France aux États-Unis a été confiée au sculpteur Auguste Bartholdi et qu’on en trouve une réplique à Roybon.
Beaucoup moins que les capitoles des États américains se sont inspirés du temple d’Auguste et de Livie de Vienne. La faute à Thomas Jefferson !
En 1784, le futur président des États-Unis, en visite à Vienne, tombe sous le charme de ce monument construit par les Romains au Ier siècle sur l’emplacement du forum, à proximité du théâtre antique.
Durant son mandat, entre 1801 et 1809, il fera construire des édifices publics sur ce modèle. Dans la plupart des États américains, on trouve aujourd’hui un capitole, siège de la législature, dont le fronton et la façade ressemblent étrangement à ceux de l’édifice viennois !
Repères
Théâtre(s) en scène
Découvrir le théâtre antique sous toutes ses facettes, à la fois comme art de la représentation et comme lieu de spectacle, c’est le propos de l’exposition que présentera le service animation du patrimoine de la ville de Vienne courant mai, sous réserve de l’ouverture des musées en fonction de la crise sanitaire.
L’occasion de voyager dans le monde hellénistique et dans l’Empire romain sur les traces des multiples théâtres apparus à cette époque. Leur architecture, directement inspirée par leur vocation, sera passée au crible, à la lumière des toutes dernières fouilles archéologiques, tout comme leurs fonctions dans la cité.
Contact : 04 74 78 70 51
© Andy Parant
Ville de Vienne
Avec ses 129,8 mètres de diamètre, le théâtre antique de Vienne était l’un des plus vastes du monde romain.Musée Dauphinois
Au début des années 1930, le théâtre antique en cours de dégagement.DR
Le coût de sa rénovation, éligible au Plan patrimoine, s’est élevé à 2,1 millions d’euros HT, partagé à parts égales entre l’État, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Département de l’Isère et la mairie de Vienne.Ville de Vienne
Sur YouTube, un film en 3D intitulé Balade virtuelle dans la Vienne Gallo-Romaine nous permet de découvrir le décorum du théâtre antique avec ses marbres très colorés.