Quand la danse fait de la résistance

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Bal miroir du monde
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Après s’être intéressé au rôle des femmes durant la Seconde Guerre mondiale, le musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère aborde à nouveau cette période de façon inédite, à travers l’histoire des bals clandestins.

 

“L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié.” Le maréchal Pétain, fraîchement nommé président du Conseil des ministres de la France, donne le ton dans son allocution du 20 juin 1940 : après un an de guerre, l’heure est à la défaite et à la signature de l’armistice avec Hitler.

Adieu guinguettes et musettes : l’interdiction des bals, décrétée officiellement par la IIIe République, revêt une nouvelle dimension idéologique. Travail, famille, patrie… la jeunesse doit se recentrer sur l’essentiel.

Surtout que l’engouement suscité depuis quelques années par ces nouvelles danses venues d’Amérique, propices au rapprochement des corps – tango, rumba ou java – heurte la morale ecclésiastique. Les concerts et les cinémas restent d’ailleurs autorisés !

 

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Bal à Gosné

 

Fruit du travail collectif mené par un groupe de chercheurs à la Sorbonne avec le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne et le musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, cette exposition, présentée en avant-première à Grenoble, nous plonge dans l’atmosphère oppressante du régime de Vichy.

PV de gendarmerie, lettres de dénonciation, jugements des tribunaux de simple police : l’abondante paperasserie atteste du zèle avec lequel l’administration s’emploie à réprimer la frénésie de danser qui s’est emparée de la population.

Les musiciens se voient confisquer leurs instruments et s’exposent à des peines sévères, de même que les organisateurs. Les danseurs, plus rarement poursuivis, ne sont jamais complètement à l’abri d’une amende.

La police française, dépossédée par l’occupant allemand d’une bonne partie de ses prérogatives, n’hésite d’ailleurs pas à revenir parfois le lendemain matin chercher les noms des contrevenants, quand les soldats de la Wehrmacht – qui ne dédaignent pas ces moments de loisirs – ont exigé de poursuivre la soirée malgré tout.

 

Des sanctions bien peu efficaces

Car ni la peur ni l’interdit ne semblent arrêter les irréductibles danseurs. En ville, on guinche et on s’émulsionne par petits groupes dans les arrière-salles de café au son du pick-up. Dans les campagnes, les granges et les cours de fermes isolées camouflent des pistes clandestines… En 1943, le gouvernement renforce les sanctions : 86 bals sont réprimés cette année-là en Isère… pour seulement huit en 1941.

Mais les têtes et les corps continuent de tourner. On a retenu les images de liesse et de bals improvisés dans les rues au moment de la Libération, en 1944. Si ces derniers sont tolérés, le droit de danser ne sera toutefois rétabli que le 30 avril 1945, sous conditions strictes.

Mais là encore, le besoin de danser est plus fort que les carcans… Les témoignages de participants, les chansons d’époque et les rares photos sont autant d’éclats de lumière dans une époque bien sombre. Quand la danse devient une forme de résistance…

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Pratique

 

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« Vous n’irez plus danser ! Les bals clandestins 1939-1945. »

Jusqu’au 3 janvier 2022 au musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, 14 rue Hébert à Grenoble - Entrée libre.

Contacts : 04 76 42 38 53 - musees.isere.fr

 

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© coll.-CHRD & © coll.-Musée-dauphinois

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