Moly-Sabata : au cœur du cubisme

Robert-Pouyaud – Le baiser, vers 1922-1924, huile sur toile, collection Musée des Beaux-Arts de Lyon

En 1908, Pablo Picasso épate la galerie avec ses Demoiselles d’Avignon tout en angles et figures géométriques. Quelques mois plus tard, son ami Georges Braque enfonce le clou avec son Grand Nu. Dans ces tableaux, le sujet n’est plus représenté d’un seul point de vue, mais éclaté et décomposé en une multitude de « petits cubes », selon l’expression de Matisse. Le cubisme est né et va révolutionner l’art moderne, rompant avec tous les canons de l’académie.

Mais si le cubisme est considéré aujourd’hui comme le mouvement artistique le plus influent du XXe siècle, il ne le doit pas à ses géniaux inventeurs. Ce sont d’autres peintres d’avant-garde, comme Albert Gleizes et ses amis Fernand Léger, Jean Metzinger ou Robert Delaunay, qui vont s’attacher à diffuser cette esthétique auprès des critiques et du public et à l’enseigner à quelques adeptes.

“À partir de 1927, des peintres, musiciens, philosophes, céramistes vont ainsi se retrouver autour du célèbre couple d’artistes formé par Albert Gleizes et Juliette Roche dans la maison qu’ils louent au bord du Rhône à Sablons, loin de l’agitation des villes, pour former la communauté d’artistes de Moly-Sabata”, explique Sylvie Vincent, directrice du musée de l’Ancien Évêché, à Grenoble.

Une résidence d’artistes dont l’esprit perdure

Animée par le désir de retour à la terre et à l’artisanat, en opposition à la civilisation industrielle, la vie communautaire est régie par des règles strictes et notamment celle de l’autosuffisance économique et du partage des tâches.

Les peintures, pochoirs, céramiques, tissage, photographies, mais aussi les films réalisés pour l’exposition témoignent de cette aventure hors du commun. Certains résidents marqueront la vie de Moly-Sabata : le jeune peintre Robert Pouyaud, premier à s’installer ici avec sa femme, suivi par le musicien César Geoffray et son épouse Mido. Leur fille Gilka fera construire en 1990 les quatre logements-ateliers où sont toujours accueillis des artistes en résidence.

Quant à la céramiste australienne Anne Dangar, arrivée en 1930, elle n’en repartira plus jusqu’à sa mort, en 1951 : c’est à elle que l’on doit l’atelier de poterie et le four.

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Juliette Roche, Albert Gleizes et Anne Danger-Moly-Sabata, 1940. Collection particulière.

Après le décès de Juliette Roche en 1980 (vingt-sept ans après celui d’Albert Gleizes), le domaine sera légué à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques avec pour mission de promouvoir son œuvre et de maintenir la présence des artistes. La résidence naît sous la houlette de la Fondation Albert-Gleizes, en 1984.

Depuis 2007, elle accueille quelque 25 jeunes artistes toute l’année (et non plus seulement en été) sous la direction du plasticien Pierre David. Chaque année en octobre, la maison s’ouvre au public pour une exposition de leur production. Une belle manière de prolonger la visite au musée de l’Ancien Évêché dans un domaine hors du temps !