- Nature
Elles fascinent, dégoûtent, terrorisent. Si les araignées font partie intégrante de notre quotidien, elles restent souvent victimes d’idées reçues. Rencontre avec ces petites bêtes aux pouvoirs extraordinaires.
Monstrueuse pour l’arachnophobe, superbe pour le photographe animalier, passionnante pour le scientifique… l’araignée laisse rarement indifférent. Souvent crainte, voire détestée, elle fait l’objet de nombreux préjugés et reste méconnue.
Le monde des araignées est pourtant aussi discret que varié : il en existe 50 400 espèces dans le monde, dont 1 750 en France ! Les plus petites mesurent 0,4 cm, tandis que les plus grosses peuvent atteindre 15 cm de taille de corps. En France, les plus grandes ne dépassent pas 2 cm. On les confond souvent avec des insectes, mais ces invertébrés font partie des arachnides, comme les scorpions et les acariens.
Les araignées possèdent huit pattes pour se déplacer, une paire de pédipalpes, ou « pattes mâchoires », qui servent à la détection et la manipulation des proies, et deux crochets à venin devant la bouche, nommés « chélicères » (on parle ainsi de morsure d’araignée et non de piqûre).
Toutes les araignées ou presque sont venimeuses, mais seules une centaine d’espèces dans le monde sont dangereuses pour l’homme. Sous nos latitudes, le risque est inexistant. Les insectes sont leurs principales proies, mais elles se nourrissent également… d’araignées !
Ainsi, elles s’autorégulent. Leur rôle de prédateurs contribue à l’équilibre des écosystèmes. À l’extérieur ou dans les habitations, elles sont un insecticide naturel.
Un monde sensible
L’araignée a en général six à huit yeux simples (sans facettes), mais n’a ni nez, ni oreilles. Pourtant, elle est capable de sentir, entendre, goûter et palper grâce à un attirail sensoriel ultraperfectionné : les soies.
Sortes de poils sensibles, elles tapissent son corps, en particulier ses pattes et pédipalpes, et lui permettent de percevoir son environnement, d’un point de vue mécanique mais aussi chimique. L’araignée peut ainsi évaluer la force du vent, capter le battement d’ailes d’un moucheron, percevoir des vibrations, détecter la mouche prise dans sa toile ou encore évaluer sa fraîcheur.
Métiers à tisser
Mais l’une des particularités les plus fascinantes de l’araignée reste sa capacité à produire de la soie. Si Spider-Man lance ses fils depuis ses poignets, l’araignée utilise ses filières, situées au bout de son abdomen.
Selon les espèces, il existe de nombreuses formes de toiles : géométriques, irrégulières, en tubes, nappes ou réseaux… Un même ouvrage peut nécessiter plusieurs types de fil.
Dans une toile géométrique, par exemple, il existe un fil spécial pour le cadre et les rayons, un autre pour les points d’accroche et un dernier pour la spirale, recouvert de fines gouttelettes de glu afin de piéger les insectes. Et la soie ne sert pas uniquement à confectionner des toiles ! L’araignée peut produire des fils pour se déplacer à la façon de Tarzan, construire un abri, emmailloter ses proies, protéger ses œufs…
Un fil hors du commun
Il paraît fragile tant il est fin, mais le fil d’araignée est trois fois plus résistant que le Kevlar : avec un fil de 1,2 cm de diamètre, on pourrait soulever un bus ! Résistant, léger, souple, biodégradable… il a des propriétés incomparables et fait rêver l’industrie depuis longtemps : parachutes, cordages, gilets pare-balles, fils de suture… Mais malgré les nombreuses recherches, ce prodige naturel reste pour l’instant inimitable.
Rencontre
Christine Rollard, « Madame araignée »
Surnommée « Madame araignée », l’arachnologue Christine Rollard est enseignante-chercheuse au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. C’est l’une des grandes spécialistes des araignées.
Elle est en charge de la conservation de la collection du Muséum, l’une des plus belles du monde, comportant 2,5 millions de spécimens. Elle est notamment l’auteur de l’ouvrage 50 Idées fausses sur les araignées.
Elle animera une sortie découverte le 11 janvier 2023 à 15 h (inscription : 04 76 44 95 41 ou reservation.museum@grenoble.fr) ainsi qu’une conférence à 18 h 30 au muséum d’histoire naturelle de Grenoble, à l’invitation du Département de l’Isère.
Repères
Mieux connaître pour protéger
Dans le cadre des inventaires réalisés dans les espaces naturels sensibles de l’Isère, le Département a financé une étude des araignées du marais de Montfort, à Crolles.
111 espèces ont été inventoriées dans cette zone humide, participant à sa richesse patrimoniale. À l’heure actuelle, 475 espèces sont répertoriées en Isère.
- Arborant des rayures jaunes et noires, l’épeire dite « frelon » se repère facilement. Même sa toile est particulière, avec une sorte de signature en forme de zigzag.
- L’épeire concombre fabrique une petite toile géométrique souvent horizontale sous les feuilles. Son nom lui vient de la couleur verte de son abdomen.
- La saltique chevronnée, de la famille des araignées sauteuses, chassent à vue, grâce à ses énormes yeux. Plutôt que de piéger sa proie dans une toile, elle lui bondit dessus pour la paralyser avec son venin.
- Le thomise replet fait partie des araignées-crabes Il a pour particularité d’adapter sa couleur à celle de la fleur sur laquelle il chasse. En quelques jours, il peut passer du blanc au jaune ou au rose.
- Dans la famille des araignées-crabes, l’araignée Napoléon doit son nom au motif noir sur son abdomen, qui rappelle le buste de Napoléon portant son chapeau bicorne.
- L’épeire diadème se reconnaît au symbole qu’elle porte sur son dos : une croix blanche. Cette espèce construit de grandes toiles géométriques et protège ses œufs dans un cocon de soie qu’elle dissimule dans la végétation.
- Depuis trois cents millions d’années qu’elles existent, les araignées ont su coloniser tous les milieux et s’adapter, par la diversité de leurs formes, de leurs modes de vie ou de leurs techniques de chasse. Ici, un petit chef-d’œuvre d’architecture.