Joyeux anniversaire à l’Académie Delphinale

Publié le
Modifié le
Olivier Cogne & Gilles-Marie Moreau
  • Culture
  • Notre histoire
Chapô

Institution désuète ? Déconnectée ou poussiéreuse ? Derrière ces idées reçues, que savez-vous réellement de l’Académie Delphinale, qui célèbre cette année son quart de millénaire ?

Olivier Cogne (à droite), directeur du Musée dauphinois, a été reçu le 6 décembre dernier à l'Académie Delphinale par son président Gilles-Marie Moreau. Le nouvel académicien occupe désormais le fauteuil n° 58.
 

En 1772, un cercle de notables dauphinois lance une souscription pour acquérir les 34 000 livres de monseigneur Jean de Caulet, évêque de Grenoble décédé l’année précédente, afin de doter Grenoble d’une bibliothèque publique.

“Notre académie est née sur le terreau du clergé et du parlement du Dauphiné, dont de nombreux magistrats avaient pris l’habitude, depuis le début du XVIIIe siècle déjà, de se réunir dans des salons littéraires tel celui de monsieur de Valbonnais”, analyse Gilles-Marie Moreau, président de l’Académie Delphinale.

Pour gérer ce fonds, les souscripteurs désignent un conseil de 12 directeurs qui devient le noyau de la Société littéraire qui sera approuvée par lettres patentes de Louis XVI en 1780 et transformée en Académie Delphinale en janvier 1789.

 

Des débuts chaotiques

Dissoute comme toutes les sociétés académiques par décret de la Convention en 1793, cette dernière renaît de ses cendres en 1796 avant d’être mise en sommeil en 1815, au lendemain des Cent-Jours.

Elle ne retrouvera son nom et son aura qu’en 1844 et sera reconnue d’utilité publique en 1898, rassemblant dès lors les principaux témoins de l’histoire intellectuelle de l’ancienne province du Dauphiné qui recouvrait les actuels départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes.

 

Un lieu de réflexion et d’échange de savoirs

Comme toutes les académies provinciales créées sous l’Ancien Régime, l’Académie Delphinale s’est intéressée d’emblée aux lettres, aux arts, aux sciences et aux techniques, dans un esprit pré-encyclopédique et d’utilité sociale, et a inscrit au cœur de son ADN la défense du patrimoine régional.

 

Image
Louis Néel, Prix Nobel de physique 1970, membre de l’Académie des sciences, a occupé le fauteuil n° 15 de l’Académie Delphinale à partir de 1960 avant d’en devenir membre émérite en 2000.

 

Au nombre de ses titulaires figurent, dès son origine, quelques grands scientifiques, comme le géologue Déodat de Dolomieu, le mathématicien politologue Nicolas de Condorcet, le botaniste Antoine de Jussieu, l’égyptologue Jean-François Champollion ; plus tard, elle s’honorera de compter parmi ses membres le pionnier du ski Henry Duhamel, le philosophe Emmanuel Mounier, le physicien Louis Néel ou l’artiste Arcabas.

Composée de 12 membres à sa création, l’Académie compte aujourd’hui 60 membres titulaires élus par leurs pairs sur la foi d’une expertise reconnue, quel que soit leur domaine de compétence, et plus de 200 membres associés.

Lieu de réflexion et d’échange de savoirs, elle est reconnue pour la qualité de ses publications, notamment pour celle de son bulletin désormais annuel édité sans interruption depuis 1846 et de ses actes de colloques.

 

Être dauphinois au XXIe siècle

Au moment où elle s’apprête à célébrer ses 250 ans, la plus ancienne société savante locale conserve toute la légitimité que lui confère l’histoire. Pour autant, l’Académie Delphinale ne s’intéresse pas qu’au passé et s’empare de tous les sujets d’actualité, comme l’intelligence artificielle ou la transition énergétique.

Elle doit néanmoins relever certains défis. Celui de son héritage culturel, qui s’étend sur trois départements et sur deux régions, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, n’est pas le moindre, même si la tradition historique qui les unit a créé des liens durables au sein de ce territoire spécifique qui transcende les découpages administratifs actuels.

“La variété des disciplines réunies au sein d’une instance culturelle unique en un temps de spécialisation dominante ouvre des perspectives et fait de l’Académie le lieu tout indiqué pour favoriser les échanges dans les domaines qui relèvent de ses compétences”, précise encore le président.

Pour renforcer son attractivité, elle a également entrepris, depuis quelques années, de rajeunir et de diversifier son recrutement, et de développer une politique active de partenariat.

 

Image
Inaugurée en 1843 place de la Cymaise à Grenoble, la fontaine au Lion est surmontée d’une inscription du 6  juin 1957 cosignée par le maire, Léon Martin, et l’Académie Ddelphinale. Elle commémore le séjour du proconsul de Gaule, Lucius Munatius Plancus qui, dans une lettre écrite à Cicéron, cite pour la première fois le nom de Cularo, berceau de Grenoble., où il a jeté un premier pont sur l’Isère.
(Cliquez sur la photo pour agrandir).
Encart

Plus d'infros : academiedelphinale.com

Corps suite

Zoom

Image

 

La place des femmes dans l’Académie Delphinale

L’Académie Delphinale a longtemps été un bastion réservé aux hommes. Et si Aimée-Marie de Franclieu, spécialiste de l’histoire religieuse du Dauphiné, en a été nommée membre associé dès 1883 (photo ci-dessus), il a fallu attendre 1975 pour que l’écrivaine Anne Leflaive occupe un siège de titulaire.

Le président Paul Veyret, Félix Germain et le comte Oronce de Galbert ont été les artisans de cette élection en proposant et en défendant sa candidature. Devançant ainsi de cinq ans l’Académie française, puisque la première femme élue sous la Coupole, Marguerite Yourcenar, ne l’a été qu’en 1980.

Il faudra attendre trente et une années supplémentaires pour qu’une femme, Pierrette Paravy, médiéviste de renom dont les compétences dépassent de loin les frontières du Dauphiné, soit élue à la présidence, en 2006. Signe de la volonté de l’institution de se féminiser, elle a élu trois femmes membres associées lors de sa dernière assemblée générale, le 23 octobre 2021. Elle compte actuellement 12 femmes, parmi ses membres titulaires.

 

Repères

L’Académie Delphinale lève le voile sur ses festivités

Le 29 janvier, à l’occasion de sa séance de rentrée solennelle, l’Académie Delphinale inaugurera l’année jubilaire des 250 ans de sa création et communiquera le programme de ses festivités.

On sait d’ores et déjà qu’un ouvrage collectif retraçant histoire de l’institution paraîtra en septembre aux PUG, sous la direction de René Favier, professeur émérite d’histoire à l’Université Grenoble Alpes.

Par ailleurs, un colloque de deux jours, ouvert au public comme le sont toutes ses activités, se déroulera les 30 septembre et 1er octobre 2022 aux Archives départementales de l’Isère.

Thème retenu ? « Le Dauphiné : patrimoine historique et territoire de montagne. » Une occasion de mettre en lumière notamment les enjeux des territoires de montagne en période de transition climatique.

Corps fin

À savoir

Image
Dans ses archives, les lettres patentes de Louis XVI autorisant, en 1789, la société littéraire établie à Grenoble à prendre le titre d’Académie Delphinale.

La bibliothèque

Les 34 000 volumes de la bibliothèque de monseigneur de Caulet ont d’abord trouvé place dans des locaux situés dans l’ancien collège des Jésuites (actuel lycée Stendhal). Depuis le passage du Lycée, on en voit encore l’entrée, surmontée de l’inscription « Bibliothèque publique ».

Devenue municipale et dotée de sa propre administration, cette institution a ensuite déménagé dans le Musée-Bibliothèque de la place de Verdun achevé en 1872, avant d’être transférée à la bibliothèque municipale d’étude et du patrimoine, boulevard Maréchal-Lyautey, en 1970.

C’est là que sont conservées les collections récentes de la bibliothèque de l’Académie delphinale à côté de ses archives anciennes.


 

5
minutes de votre temps
A- A+
Publié le
Modifié le