Bergers des abeilles

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Benjamin Duffort est apiculteur professionnel à Montbonnot-Saint-Martin.
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Riche de ses massifs et de ses vastes espaces naturels, l’Isère a tout d’un restaurant étoilé pour les abeilles. Les apiculteurs en font un miel réputé… mais la pénurie menace.

Benjamin Duffort est apiculteur professionnel à Montbonnot-Saint-Martin.

 

Dès le retour du soleil et de la chaleur, les abeilles sortent de la ruche pour aller butiner : c’est la pleine saison pour les apiculteurs !

Acacia, tilleul, châtaignier, thym, colza, sapin, pissenlit, aubépine… Les miellées varient au fil des floraisons et des terroirs. L’Isère est d’ailleurs le tout premier territoire apicole de France avec 2 700 apiculteurs déclarés, dont la production est réputée pour sa finesse et sa typicité. Depuis vingt ans pourtant, la récolte a chuté de 60 %, de 35 000 à 10 000 tonnes en France. En cause, la mortalité accélérée des abeilles : chaque année en moyenne, un tiers du cheptel, voire bien plus, ne passera pas l’hiver – inimaginable pour des volailles ou des bovins !

Résultat, du miel importé à bas coûts coule en abondance sur nos tartines. Et il n’a souvent plus de ce trésor de bienfaits que le nom : “C’est le troisième aliment le plus contrefait”, prévient Yann Bresson, apiculteur à Villard-Bonnot. Il y a donc urgence à repeupler les ruches. Le problème, c’est que les ennemis de l’abeille sont multiples : il y a le redoutable frelon asiatique qui commence à rôder par ici ; les variations climatiques, entre printemps précoces, gels tardifs et sécheresses, qui provoquent disette et carences alimentaires ; l’artificialisation des sols qui élimine les prairies fleuries et les haies ; la monoculture et les variations génétiques sur certaines plantes, comme le tournesol, qui produisent désormais un maximum d’huile… mais n’offrent quasiment plus de nectar.

Sans parler des nouvelles générations d’insecticides (les fameux néonicotinoïdes) ou même de fongicides qui provoquent régulièrement des intoxications : “Nous avons aujourd’hui un dialogue avec les agriculteurs pour que les traitements soient appliqués en dehors des heures de butinage, par exemple la nuit”, explique Adèle Bizieux, directrice de l’Association pour le développement de l’apiculture en Auvergne-Rhône-Alpes – qui milite pour faire évoluer les procédures d’autorisation de mise sur le marché des produits.

Mais le pire ennemi des apiculteurs depuis trente ans reste le Varroa destructor : un parasite venu d’Asie du Sud-Est au début des années 1980 qui suce la lymphe des abeilles en plein champ et les affaiblit considérablement. “Les traitements sont très coûteux, incompatibles avec une production en bio et de moins en moins efficaces. Alors que des solutions organiques connues ne sont pas autorisées”, regrette Yann Bresson.

 

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Une technicité accrue

Pour assurer la pérennité de leur exploitation, les apiculteurs ont développé leur propre atelier d’élevage afin de produire reines et essaims. Les larves sont placées dans des ruches dépourvues de reine : les ouvrières, orphelines, se chargent de nourrir en gelée royale celle dont elles feront leur « mère ». Magie de la nature !

Beaucoup transforment une partie de la production de miel en alimentaire ou en cosmétique : pains d’épices, nougats, bonbons, savons ou baumes cicatrisants. L’autre enjeu est de renouveler les générations. Le CFPPA de La Côte-Saint-André – premier à dispenser une spécialisation apicole il y a vingt ans – forme chaque année de 25 à 30 titulaires du brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole – dont une majorité en reconversion professionnelle.

Ce cursus est désormais ouvert en formation initiale au niveau BTS ou en apprentissage, pour ceux qui ont déjà un diplôme agricole. Et ils sont des centaines d’amateurs à suivre chaque année les formations dispensées par les deux syndicats départementaux à la Maison de l’apiculture, hébergée au Domaine de Vizille par le Département de l’Isère.

Bruno Gerelli, retraité d’EDF, a quant à lui créé la société Bee Abeille en 2016 à Grenoble, pour installer des ruches en entreprise, dans le cadre d’une démarche responsabilité sociale et environnementale (RSE) : “On a déjà 70 ruches implantées”, se félicite-t-il. S’il s’est équipé de balances connectées pour surveiller les ruches à distance, le suivi humain reste indispensable. “Nous devons plus que jamais être au chevet des abeilles. Rappelons qu’un aliment sur trois dépend de nos insectes pollinisateurs !”

© V. Granger

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Repères

Une sélection de vidéos sur les abeilles sur le site du Syndicat apicole dauphinois : cliquez ici

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L'Isère, premier département apicole de France

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