Alchimistes de l’argile

Publié le
Modifié le
Poterie - Dubernard
  • ISHERE
  • Artisanat
Chapô

Après des décennies à la poterie des Chals à Roussillon, Jean-Jacques Dubernard et sa compagne Nathalie Pouzet continuent de perpétuer des gestes millénaires, à Vienne, où ils ont installé leurs ateliers respectifs — à deux pas l’un de l’autre.

Jean-Jacques Dubernard dans son atelier de poterie

 

Le tour manuel à pédales cent cinquantenaire trône en vitrine et fait l’attraction des passants tous les après-midis, quand Jean-Jacques Dubernard l’actionne pour façonner la terre avec ses mains. "Pour moi, le modelage est un sport de gainage et un travail de méditation : avec un tour électrique, tout va trop vite. Quand on m’a proposé celui-ci, c’était l’un des plus beaux jours de ma vie !", raconte le propriétaire des lieux, des étoiles dans les yeux.

En octobre 2020, après 43 ans, il a en effet quitté la poterie des Chals de Roussillon, où il avait appris toutes les ficelles du métier, en laissant sur place tous les outils d’époque...

Parmi les plus anciens de France encore en activité, héritier de 200 ans de tradition de terre vernissée, le vénérable atelier est aujourd’hui une véritable institution — en 2006, la petite entreprise avait été parmi les cinquante premières labellisées « patrimoine vivant », avec Hermès et d’autres enseignes prestigieuses.

Son histoire va se perpétuer désormais sous l’égide de nouveaux propriétaires, Julie Plassat et Davy Marchand-Maillet, qui devraient accueillir de jeunes céramistes en résidence au prochain printemps.

Jean-Jacques a contribué à sa réputation avec ses créations espiègles d’inspiration rurale, vendues à New York ou au Japon, et régulièrement exposées dans les musées (comme cet été à Saint-Romain-en-Gal). Aux biches à lait et autres objets utilitaires qui faisaient le gros de la production au siècle dernier se sont substitués au fil du temps des bougeoirs en forme de personnages, des chantepleures, des figurines animales…

Quand Jean-Jacques s’attache à préserver l’esprit populaire, sa femme Nathalie, formée initialement à l’architecture et au design, a évolué vers la sculpture : la terre brute prend souvent sous ses doigts la forme de visages empreints de sérénité.

Passionné de transmission, Jean-Jacques organise aussi régulièrement de courts stages d’initiation à l’usage des novices. "Il faut apprivoiser la terre, mettre ses gestes à l’unisson… Chacun repart avec son bol cru…" Parmi ses stagiaires, il n’est pas peu fier de compter Laetitia Casta, avec qui il a tissé des liens d’amitié. "Sa salopette l’attend toujours au porte-manteau", précise-t-il.

Encart

Plus d'infos : poterie.2en1.fr

Corps suite

Zoom

Image

 

Son objet fétiche : la chantepleure

L’objet tout en rondeurs émet un doux chant en se remplissant d’eau par immersion et « pleure » délicatement sur les semis et fleurs fragiles à travers les petits orifices percés dans sa partie inférieure…

Inspiré par une gravure du XIVe siècle, Jean-Jacques Dubernard a longtemps fabriqué cet arrosoir médiéval très décoratif sans connaître son nom, jusqu’à ce qu’une universitaire de Pau lui révèle l’histoire de la chantepleure.

 

© F.Pattou

2
minutes de votre temps
A- A+
Publié le
Modifié le