Vieilles forêts et petites bêtes…

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Le vallon du monastère de la Grande Chartreuse est un trésor de biodiversité.
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L’automne est une période privilégiée pour se rendre en forêt. Il y a les feuilles mortes, des couleurs éclatantes, les champignons, mais aussi une microfaune quasi invisible d’espèces rares, voire menacées d’extinction, sur laquelle se penchent aujourd’hui naturalistes et forestiers.

Forêts de Bonnevaux, de Chambaran, des Écouges, de Chartreuse, de Saint-Hugon… La forêt couvre en Isère 296 000 hectares soit 38% de la surface du département. C’est, de l’avis des spécialistes, une forêt essentiellement récente – entre 50 et 100 ans – qui s’est développée sur d’anciens pâturages et terres cultivées, particulièrement en montagne, où la déprise agricole est plus forte qu’en plaine.

Cependant, un recensement amorcé en 2011 dans le Trièves, le massif de Belledonne et la vallée de l’Isère, à l’initiative d’associations naturalistes et d’universitaires grenoblois, révèle des zones forestières bien plus anciennes en Isère, des forêts multiséculaires attestées dès 1747 par le cartographe César-François Cassini et, pour certaines, toujours présentes sur des cartes d’état-major établies un siècle plus tard – la forêt française atteignait alors sa surface minimale avec 9 millions d’hectares en 1830, contre 17 millions aujourd’hui.

En comparant l’existant avec ces deux sources historiques, on peut donc dater nos forêts et contribuer au bonheur des botanistes et entomologistes. Explications.

L’intérêt des forêts anciennes

“Une forêt est dite ancienne lorsqu’elle a été répertoriée comme étant boisée depuis au moins deux siècles. Son intérêt en termes de biodiversité est généralement plus riche que les forêts récentes. Imaginez que, depuis tout ce temps, elle a préservé en son sein un patrimoine unique de plantes, de mousses, de lichens et d’autres êtres vivants, comme certains insectes saproxyliques [ndlr : qui vivent dans le bois mort] qui ne doivent leur pérennité qu’à cette continuité d’usage”, constate Laurent Lathuillière, chargé de mission environnement et biodiversité à l’Office national des forêts et passionné d’écologie forestière.

Les vieux arbres aux anfractuosités marquées, les troncs déracinés, les branches à terre, sont, en effet, autant d’abris, de lieux de vie et de sources de nourriture pour une multitude d’êtres vivants. En Chartreuse, où 83 % des hêtraies-sapinières sont âgées de plus de 200 ans, un grand nombre d’espèces de coléoptères – sur les 1 800 que compte l’Isère – a, par exemple, été localisé dans le vallon du monastère de la Grande-Chartreuse et la forêt domaniale du même nom, un écosystème quasi préservé depuis 1792, date à laquelle cette forêt est devenue propriété de l’État.

Tout n’est pas idyllique pour autant. Après plusieurs années d’enquête, Benoît Dodelin et Benjamin Calmont, deux éminents entomologistes français, viennent d’établir une première liste rouge régionale des coléoptères du bois mort. Verdict : sur les 512 espèces saproxyliques évaluées en Isère, 79 sont menacées d’extinction.

Pour Jean-Charles Villaret, coordinateur du récent Guide des habitats naturels et semi-naturels des Alpes, “cette situation résulte de l’impact des nouvelles techniques de la sylviculture et de la méconnaissance de ces dendromicrohabitats [ndlr : microhabitat situé dans un arbre] et de leurs enjeux.”

Les forestiers l’ont d’ailleurs compris. Ils contribuent désormais au maintien d’îlots de vieillissement dans les forêts publiques et privés en lien avec le réseau FRENE, et conservent sur pied les chandelles et les arbres morts. Alors, la forêt près de chez vous est-elle ancienne ou récente ? Réponse très bientôt. L’inventaire se poursuit

Encart

Pour en savoir plus :

  • Projet de cartographie des forêts anciennes en cours :
    gip-ecofor.org
     
  • Le Réseau FRENE : Forêts Rhônalpines en Evolution NaturellEs
    refora.online.fr
     
  • Guide des habitats naturels et semi-naturels des Alpes. Sous la direction de Jean-Charles Villaret. Naturalia publications.
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