Filière bio : la crise de croissance

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Laure Mathieu
  • Économie
Chapô

Alors que le bio continue de gagner du terrain en Isère, le retour de l’inflation sur les prix alimentaires fait peser des inquiétudes sur la filière.

À L’Albenc, Laure Mathieu, qui cultive ses noix AOP en bio, a désormais recours à des moutons pour entretenir et fertiliser sa noyeraie.

 

Depuis quelques mois, on peut voir paître des moutons au milieu de la noyeraie iséroise, à L’Albenc. Sous l’impulsion de Laure Mathieu, représentante de la cinquième génération au sein de l’exploitation familiale, le Gaec des Ferrières a entamé sa deuxième année de conversion en culture biologique.“Nous n’utilisons plus ni glyphosate, ni traitement chimique, et le travail de la terre se fait mécaniquement : les ovins apportent la matière organique pour la fertilisation. Nos sols se portent mieux ! C’est un retour aux sources puisque mes grands-parents pratiquaient la polyculture”, rapporte son père, Christian. À l’automne 2024, le Gaec, adhérent à la marque ISHERE, devrait récolter ses premières noix de Grenoble estampillées AB.

Si jusqu’à présent le label bio était un gage de meilleure valorisation, les producteurs ne cachent pas leur inquiétude : après dix ans de croissance forte, la filière connaît depuis l’an passé un replat, voire une baisse sur certains produits depuis le début de l’année 2022. “Cette contraction concerne tout le marché de l’agroalimentaire”, confirme Olwen Thibaud, conseillère technique à la Chambre d’agriculture de l’Isère.

Pour la filière lait, après une forte hausse des conversions en bio entre 2020 et 2021, la surproduction est bien réelle. Sébastien Luyat, qui élève 30 vaches laitières à Sousville, confirme.“J’ai choisi de renoncer au label AB obtenu il y a eu. Je vendais mon lait bio moins cher qu’en conventionnel. Sur l’élevage, ce n’est plus possible. En revanche, je continuerai d’exploiter mes terres en bio. J’y trouve plus de plaisir. Et je suis sur des marchés de niche, comme les lentilles ou le sarrasin, qui restent porteurs.”

 

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Un déficit de communication sur le bio

La commande publique reste un levier de développement majeur de la filière, à commencer par celle du Département de l’Isère, qui soutient et accompagne les conversions et les installations en bio avec la Chambre d’agriculture et l’association ADABio.

Sans attendre la loi EGalim (qui impose depuis 2022 à la restauration collective publique de proposer “au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de bio”), les agriculteurs isérois se sont organisés pour répondre aux besoins d’approvisionnement des restaurants des collèges, gérés par le Département. L’objectif est d’arriver à 100 % de produits locaux ou bio dans les assiettes d’ici à 2028. Créée en 2005 par cinq agriculteurs, la plateforme « Mangez bio », basée au marché d’intérêt national de Grenoble, regroupe aujourd’hui 80 exploitants de tout le département.

Forte de 20 salariés, elle fournit les restaurants scolaires, mais aussi deux Ehpad et une trentaine de crèches.“L’éducation au goût doit se faire dès le plus jeune âge”, explique son président, Franck Rousset, éleveur à Saint-Marcellin. Pour lui, “le bio est avant tout une philosophie. C’est un investissement qui répond à nos valeurs : la santé, le bien-être animal, l’écologie, l’emploi local, la rémunération équitable du travail.” La directrice d’ADABio, Erica Bonnet-Laverge, constate d’ailleurs une vraie dynamique : “Aujourd’hui, 54 % des installations se font en bio en Isère. Et sur la viticulture et le maraîchage, c’est quasi 100 % !”

Si le label est reconnu par les Français, elle souligne toutefois l’importance de renforcer la communication sur le label, comme le recommande un rapport récent du Sénat. Dans ce contexte, l'association ADABio, qui œuvre pour la structuration de filières bio de proximité, comme le blé planifiable, organise fin septembre une campagne de sensibilisation au "manger bio et local".

Mais la baisse continue du nombre d’agriculteurs pose aussi une question de fond sur la valeur que nous accordons à notre alimentation. La meilleure façon de soutenir les producteurs dans leurs efforts, c’est d’acheter leurs produits en vente directe. Ils sont souvent très compétitifs.

 

© F.Pattou

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