- Nature
Petites mais redoutables, trois plantes carnivores présentes en Isère sont capables de piéger des proies et de les digérer. Ces végétaux tueurs s’appellent droséra, grassette et utriculaire. Rencontre avec ces fascinants « attrape-mouches ».
Loin des climats tropicaux, tout près de chez nous, ces curiosités naturelles parviennent à renverser les rôles entre animal et végétal. En Isère, trois plantes carnivores ont la capacité d’attirer, capturer, tuer, digérer et assimiler leurs proies !
Qui s’y colle y reste
Roi des tourbières, le droséra (du grec droseros, qui signifie « humide de rosée ») chasse avec sa couronne rouge couverte de gouttelettes transparentes, imitant la rosée. Il est d’ailleurs aussi appelé rossolis, littéralement « rosée du soleil » en latin.
Étincelantes et parfumées, ses gouttelettes exercent une attraction fatale sur les insectes : tel un papier tue-mouches vivant, elles contiennent un puissant adhésif. Une fois posé, plus l’insecte se débat, plus il s’englue. Stimulés par les vibrations qu’émet la victime en tentant de se dégager, les poils visqueux du droséra se replient sur elle et, petit à petit, la feuille tout entière se recourbe pour l’étouffer. C’est alors aux sucs digestifs de passer à l’action et, très lentement, de dissoudre le corps en de petites molécules assimilables.
En Isère, il existe deux espèces de droséra : l’une à feuilles rondes, la plus commune, et l’autre à feuilles longues. Toutes deux rares et menacées, elles sont protégées à l’échelle nationale.
Autre plante carnivore, la grassette tient son nom de ses feuilles charnues, qui paraissent humides et grasses. Tout comme le droséra, elle attire et englue ses proies grâce à ses feuilles collantes, avant de les digérer. Remplie d’enzymes, la feuille devient alors un estomac provisoire. Son bord retroussé évite que la pluie ne lessive trop vite le repas. La grassette vit à même la roche le long d’un filet d’eau, sur un rocher suintant, aux abords moussus d’un ruisseau ou dans les marais.
Quatre espèces sont répertoriées en Isère : la grassette des Alpes et la grassette vulgaire, communes en montagne, mais aussi la grassette à grandes fleurs et la grassette à fleurs roses, qui sont menacées et protégées.
Piège aspirateur
L’utriculaire, elle, est une plante carnivore aquatique, qui s’observe essentiellement dans les étangs, tourbières, mares et marais. Elle chasse grâce à de petits réservoirs, des poches semi-transparentes, qui aspirent les proies par dépressurisation. Son nom provient du latin utriculus, « petite outre », par allusion à la forme de ces pièges à insectes.
Il existe deux espèces en Isère : l’utriculaire citrine, assez commune en Nord-Isère, et la petite utriculaire, protégée et menacée d’extinction. L’utriculaire se nourrit de minuscules araignées d’eau, de crustacés planctoniques, ainsi que d’amibes et d’autres protozoaires, qu’elle appâte avec des substances chimiques.
Quand une proie touche les cils sensibles de son piège à succion, un clapet s’ouvre brutalement et l’aspire à l’intérieur. Une fois refermé, le petit estomac commence à sécréter des enzymes digestives. Un piège hypersophistiqué… et dangereusement efficace.
Plus de renseignements : gentiana.org et biodiversite.isere.fr
Prochaine animation : « Ces formidables plantes qui s’adaptent : carnivores, aquatiques » : le samedi 11 juin de 14h à 16h sur l’ENS de la tourbière de l’Herretang à Saint-Laurent-du-Pont.
Repères
La faim justifie les moyens
Les plantes carnivores de l’Isère ont en commun de vivre dans des milieux humides, de plus en plus rares. Des milieux sensibles, mais aussi pauvres en minéraux et en azote, indispensables à la vie des plantes. Comme leurs racines ne suffisent plus à les nourrir, elles ont dû trouver d’autres éléments nutritifs hors sol pour assurer leur survie.
C’est donc l’évolution qui a amené ces végétaux à devenir carnivores. Ils se sont adaptés peu à peu – probablement en se nourrissant d’abord d’insectes en décomposition au sol – et ont finalement développé des stratégies pour attirer et digérer leurs proies.
Zoom
Où les observer ?
Selon les espèces, les plantes carnivores de l’Isère sont principalement observables dans les tourbières, marais ou étangs du département, notamment dans les espaces naturels sensibles (ENS), comme les tourbières du Peuil, de l’Arselle, des Planchettes, le marais de Montfort ou encore l’étang de Lemps.
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Plante carnivore des tourbières, le droséra piège ses proies grâce à ses poils couverts de gouttelettes gluantes, avant de les digérer. En un été, un droséra (ici, à feuilles rondes) peut capturer jusqu’à 2 000 insectes.Gentiana - F.Gourgues
Très rare, la grassette à fleurs roses est répertoriée à l’échelle du monde uniquement en Isère, Savoie et Haute-Savoie. Dans notre département, cette plante carnivore montagnarde vit principalement dans le massif de Belledonne.- Gentiana - F.GourguesLa couleur pourpre des poils de la feuille du droséra participe à imiter des fleurs au nectar succulent. Une fois attirés, les insectes sont piégés par ces poils gluants. La feuille tout entière se recourbe lentement autour de l’insecte pour l’étouffer.
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Sur l’ensemble des feuilles d’une grassette, il peut y avoir des dizaines d’insectes englués, à différents stades de liquéfaction. La digestion d’une mouche de petite taille dure environ deux jours.B.Balme
Plante carnivore aquatique, l’utriculaire chasse grâce à ses utricules immergés, de petites poches semi-transparentes qui aspirent les proies par dépressurisation. Des pièges si efficaces qu’il est rare de les observer vides.