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Incontournable dans le discret secteur du luxe, l’entreprise Sfate et Combier perpétue le savoir-faire traditionnel du tissage de la soie. Grâce à son écosystème régional mais aussi à l’innovation constante, notamment pour sa mousseline, la star de la maison.
Le luxe ne tolère aucun défaut. Fabriquant à Doissin la mousseline de soie la plus fine du monde, Sfate & Combier s’est fait un nom auprès des plus grandes marques de haute couture avec son savoir-faire d’exception.
Dans cette entreprise nord-iséroise, née de fusions et de rachats d’ateliers depuis cent ans entre Isère, Loire, Rhône, Ardèche et Indochine (Sfate étant l’acronyme de feu la Société franco-annamite textile et d’exportation), “le contrôle qualité du tissu se fait centimètre par centimètre. On chasse la moindre imperfection à la pince à épiler”, résume sa directrice générale, Véronique Rosso-Rebert.
Héritier du savoir-faire des soyeux lyonnais, Sfate & Combier vend 50 % de ses tissus de soie aux plus grandes maisons de luxe françaises et 50 % à l’étranger, en Italie notamment, “une performance vu le nombre de concurrents que nous avons là-bas ” ! Avec une « main », un toucher et une finesse uniques, ses satins, organzas et mousselines changeantes la singularisent sur le marché. “Notre mousseline à la française a, par exemple, une certaine nervosité ; en Italie, elle est plus plate”, poursuit Véronique Rosso-Rebert. Des qualités mécaniques et chimiques systématiquement testées dans le laboratoire « maison » avant l’envoi aux clients.
Véronique Rosso-Rebert, directrice générale de Sfate & Combier
Un écosystème 100% régional
Pour faire face à l’exigence de qualité mais aussi de délais, “toujours plus courts” des géants du luxe, Sfate & Combier s’appuie sur un écosystème efficace. Appartenant depuis 2015 au groupe nordiste Bulteau Développement, il est la « maison mère » de son pôle luxe, regroupant Guigou (spécialiste de la maille jersey, dont le siège est à Doissin et l’usine dans la Drôme) et le Moulinage Vernède, en Ardèche. C’est ce dernier qui lui fournit le fil de soie – produite en Chine, selon des normes environnementales et sociétales poussées, l’entreprise ayant depuis 2019 la certification de textile biologique Gots – après l’avoir moulinée. Et elle bénéficie d’un réseau 100 % régional de sous-traitants, tels les teinturiers pour la mousseline, qui « ennoblissent » les tissus.
“Cela nous permet d’être très réactifs et de pouvoir développer des produits en une semaine seulement, se félicite Véronique Rosso-Rebert. Et cela favorise notre bilan carbone, comme nous le demandent de plus en plus nos clients.” Lesquels peuvent aussi compter sur des stocks stratégiques de tissus « intemporels », livrables en 24 heures.
L'étole Arlequin
Seule entreprise du secteur indépendante en France – les quatre autres appartiennent à Chanel ou à Hermès –, Sfate & Combier cultive sa liberté, en proposant notamment la consultation de ses archives à ses clients. Les 1 200 livres d’archives papiers et textiles, véritable “trésor de guerre” (le plus ancien date de 1787 !), dont la maison se sert tous les jours, leur offre un incroyable choix de dessins et de matières. “Les designers des grandes maisons s’y plongent pour en ressortir des motifs, qu’ils nous demandent ensuite de réinterpréter”, confie Véronique Rosso-Rebert.
De quoi imaginer les collections de demain de haute couture et du prêt-à-porter premium, notamment masculin, un des axes de développement de l’entreprise, avec l’élargissement de la clientèle aux maisons de luxe chinoises qui devraient naître d’ici 2025.
Repères
Sfate & Combier en chiffres
- Date de création : 1850.
- Implantation : Doissin.
- 60 salariés (120 salariés pour les trois entreprises du pôle luxe de Bulteau Développement).
- 2 000 créations de tissu par an.
- 260 000 mètres de soie fabriqués par an.
- Chiffre d’affaires (groupe Sfate & Combier) : 12 millions d’euros.
Zoom
À la pointe de l’innovation
Les ateliers de Sfate & Combier sont un trésor d’innovations : le « lancé-découpé », technique développée en interne assure au jacquard un rasage au plus près du tissu, permettant un dessin ultra-précis sur celui-ci ; ou un outil pour faire de la soie mate.
De nouvelles techniques auxquelles ont dû s’adapter des métiers traditionnels, comme l’ourdisseur, qui installe chaque fil sur les rouleaux de la chaîne, ou le « croiseur de fil », véritable architecte du tissu, qui travaille désormais sur ordinateur.
Sfate & Combier peine à recruter et a donc recours à la formation de jeunes en interne grâce à des salariés partant à la retraite.