Filière bois : l’or vert de nos forêts

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Renouvelable à 100 %, locale et écologique, la ressource bois est promise à un avenir durable en Isère, avec de nombreux emplois à pourvoir du CAP au bac + 5.

Avec ses huit étages et son ossature composée de 1 500 mètres cubes de bois, le Haut-Bois, dont le chantier vient de démarrer à Grenoble après quatre ans de recherche et développement, sera selon son promoteur, le bailleur social Actis, le tout premier bâtiment bois et passif de grande hauteur de France en zone sismique de niveau 4/5.

Non loin de là, le futur collège Lucie-Aubrac, qui entame sa reconstruction par le Département, fera aussi largement appel à ce matériau local, avec des modules préfabriqués qui vont permettre de gagner plusieurs semaines sur les travaux. “Avec ces nouvelles techniques constructives, le bois affiche aujourd’hui des possibilités comparables à celles du béton”, assure Guénaëlle Scolan, directrice de Fibois Isère.

Depuis vingt ans, ce matériau renouvelable et écologique redevient très tendance dans le bâtiment. En Isère, où la forêt recouvre près de 40 % du territoire, les efforts menés par le Département depuis plusieurs années pour promouvoir et structurer une filière pourvoyeuse d’emplois locaux commencent à porter leurs fruits.

En juin prochain, il décernera le 20e prix départemental de la construction bois. Alors que les scieries ont quasi disparu du sud de la France, les investissements réalisés sur notre territoire ont ainsi permis de maintenir et de moderniser les infrastructures : “Nos charpentes sont conçues entièrement sur ordinateur. Les tronçons de bois dont nous avons besoin nous arrivent ainsi prédécoupés aux bonnes dimensions sur une machine de taille numérique, que nous avons cofinancée avec un scieur local”, témoigne Jean-François Reynaud, charpentier au Versoud.

 

Un piège à carbone

Plus léger, moins polluant à la construction comme à la déconstruction, sans déchets car 100 % recyclable – les résidus étant transformés en plaquettes ou en granulés pour les chaufferies –, le bois répond bien aux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique : “Un mètre cube de bois stocke en moyenne 1 tonne de carbone atmosphérique”, rappelle Fabien Mulyk, vice-président du Département chargé de la filière bois.

La profession pâtit pourtant d’une mauvaise image et peine à recruter. “Notre carnet de commandes est plein, mais on manque de bras !” confirme François Brun-Buisson, directeur de la scierie des Chambaran, à Viriville. Pour la première fois toutefois, une jeune femme vient d’intégrer la production de cette petite entreprise artisanale, qui connaît un développement important avec ses échalas et ganivelles – des piquets de châtaignier utilisés dans la viticulture ou les espaces verts. Le bashing dont sont victimes aujourd’hui les exploitants forestiers – accusés souvent de déforestation – n’arrange pas les choses.

“Couper un arbre devient un crime ! Une aberration quand on sait que la forêt en Isère et en France n’a jamais été aussi abondante. Et on ne récolte que 30 % de la croissance annuelle naturelle des boisements”, rappelle Fabien Mulyk. À partir de 1 hectare de coupe, la réglementation forestière impose d’ailleurs d’assurer la régénération de la forêt dans les cinq ans après récolte.

Mais la forêt est aussi victime du réchauffement : les épicéas de nos massifs sèchent sur pied et se font attaquer par les scolytes et autres parasites autrefois tués par le froid. “Nous allons devoir adapter nos plantations. Le douglas ou le cèdre du Liban, par exemple, résistent mieux à la chaleur et répondent bien à la demande pour la construction”, explique Fabien Mulyk.

Face aux importations massives de bois de Scandinavie, d’Allemagne ou d’Europe de l’Est, la filière bois locale doit enfin continuer de se structurer : “On s’approvisionne au maximum en bois local. Mais pour les planchers ou les lambris, on n’est pas compétitifs”, regrette Jean-François Reynaud.

 

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Repères

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Un prix pour les constructions bois remarquables en Isère

Depuis 2000, le Département, Fibois38 et le Conseil d’architecture, d’urbanisme et environnement (CAUE) récompensent chaque année les constructions bois les plus remarquables de l’Isère et valorisent ainsi la filière locale.

Depuis 2015, les Trophées bois ont laissé place au Prix départemental de la construction bois : les lauréats concourent avec un seul dossier aux prix régional et national. En septembre dernier, le jury isérois avait sélectionné quatre projets :

  • le restaurant scolaire Le Mangetou à Monestier-de-Clermont (communauté de communes du Trièves, cabinet d’architectes R2K),
  • une villa privée à Corenc (cabinet Roda Architectes),
  • le bâtiment de Vercors Lait à Villard-de-Lans (communauté de communes du Massif du Vercors, cabinet FLLOO Architecture et Urbanisme) 
  • la Maison pour tous de Four (commune de Four – communauté de communes Portes de l’Isère – Les Grands Ateliers, Ensag – Takt Paysage).

Pour les vingt ans du prix en 2020, quatre circuits ont été organisés en Isère afin de découvrir l’évolution de la construction bois au cours des années passées. Après le Trièves en février dernier, un prochain circuit est prévu début juin (si tout va bien) dans le Grésivaudan, puis en septembre dans le Vercors et en novembre dans la métropole grenobloise.


Zoom

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AtticorA : la fibre du bois local

Fabien Morel a été parmi les premiers à miser sur le chanvre dans la construction en 2006 avec la création d’une usine de production de blocs de chanvre à La Mure.

Puis en 2012, il s’est lancé dans la construction de maisons en bois sous le nom d’AtticorA – l’entreprise, forte de trente salariés, compte déjà une soixantaine de réalisations et presque autant de commandes pour les trois ans à venir.

Pour aller encore plus loin dans l’intégration et valoriser la filière bois locale, cet entrepreneur militant aborde une nouvelle étape de son développement avec la reprise de la scierie Bottarel à Goncelin (avec le magasin de parquets associé) et de la menuiserie Aare, fabricant de meubles, cuisines et parquets à Saint-Martin-d’Hères.

“Les forêts de notre département recèlent toutes les essences de bois valorisables en menuiserie : le frêne, le châtaignier, le chêne, l’érable, le hêtre, le merisier, l’aulne, le tilleul, le pin noir…), précise Fabien Morel. Grâce aux investissements réalisés, nous pourrons transformer plus de 6 000 m3 de bois feuillus par an pour alimenter non seulement nos propres entreprises de construction et de confection de meubles, cuisines et parquets, mais aussi toutes les menuiseries de l’Isère qui souhaitent s’approvisionner en bois de qualité, avec un excellent rapport qualité/prix.”

Son ambition pour 2020 : “Vendre tous nos produits et maisons au sein de notre département.”

 

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Initiatives

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Une cabane de jardin solaire

Une cabane de jardin en bois produite en série qui alimente votre villa en énergie ? C’est l’idée de Christophe Faure, créateur de Bonnecabane – également éditeur de la très belle revue Maison & Bois international à Grenoble.

“Les réponses à la transition énergétique sont souvent présentées comme des contraintes. J’ai voulu créer un module de production d’énergie renouvelable qui apporte aussi du plaisir à son utilisateur ! ”, explique ce précurseur de la construction en bois.

Conçue en atelier et en série grâce à une chaîne de montage qu’il a lui-même conçue avec ses associés à Vaulnaveys-le-bas, cette cabane solaire en bois massif issu de forêts certifiées est livrée prête à l’emploi, avec ses six panneaux solaires et ses prises électriques. Soit un espace de 9 mètres carrés personnalisable à volonté en abri de jardin ou en espace de détente cosy et chaleureux.

Raccordée à la maison principale par un simple câble, elle pourra produire de l’électricité gratuite au premier rayon de soleil et alléger ainsi les factures d’énergie : “À raison de 400 euros d’économisés par an soit 20 % de la consommation en moyenne, la cabane est amortie en quinze ou vingt ans”, calcule Christophe.

Idéale pour recharger son vélo électrique, la cabane a vocation à se multiplier en France tout comme les chaînes de montage (totalement reproductibles), pour éviter les transports au maximum. Quand le développement durable rime avec le bon sens !


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