L’hydrogène vert : une filière d’avenir en Isère

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Air Liquide déploie des stations de recharge partout dans le monde. Il faut moins de 5 minutes pour faire le plein d’hydrogène.
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Rouler, produire et se chauffer à l’hydrogène vert sans aucune émission de CO2 ? C’est l’avenir, et l’Isère a toutes les compétences pour développer une vraie filière industrielle.

Air Liquide déploie des stations de recharge partout dans le monde. Il faut moins de 5 minutes pour faire le plein d’hydrogène.

 

Sept milliards d’euros pour faire de la France un “pays de pointe sur l’hydrogène vert”. L’annonce du plan de relance gouvernemental en septembre dernier a enfin mis le turbo sur une filière prometteuse en Europe, qui va nous aider à décarboner notre économie ! Dès 2017, la Région Auvergne-Rhône-Alpes avait pris les devants avec le projet européen Zero Emission Valley (ZEV), visant à faire de la deuxième région de France le premier territoire neutre en émissions de dioxyde de carbone.

“Nous sommes ravis de voir nos technologies passer au stade industriel après vingt ans de développement, affirme Florence Lambert, directrice du Liten au CEA-Grenoble, le plus gros laboratoire français sur le sujet. C’est l’énergie du futur !”

Les tout premiers utilitaires Renault Kangoo propulsés à l’hydrogène et à l’électricité, intégrant la pile à combustible développée par la start-up grenobloise Symbio avec la technologie du CEA, étaient apparus en 2015 sur les routes iséroises. Avantage : 350 kilomètres d’autonomie, sans polluer, en silence… Et une recharge en quelques minutes.

En Isère, plusieurs collectivités, dont le Département, s’étaient équipées et une première borne opérée par Air liquide, leader mondial de l’hydrogène décarboné, avait été inaugurée chez GEG à Grenoble. Cinq ans plus tard, les rares véhicules H2 disponibles en France restent hors de prix, tout comme le kilo d’hydrogène propre (de 4 à 6 euros le kilo). Mais la montée en puissance et l’arrivée de nouvelles techniques de production, comme l’électrolyse haute température, vont permettre d’abaisser les coûts.

 

Un vecteur pour la transition énergétique

Symbio, devenu filiale de Michelin et de Faurecia en 2019 (300 salariés, dont une centaine dans son bureau d’études isérois), investit actuellement dans une usine à Saint-Fons pour devenir le champion mondial des piles à hydrogène pour le transport. Il équipera les 100 premiers bus à hydrogène du constructeur toulousain Safra. McPhy, autre start-up bien ancrée à Grenoble, vise également la construction d’une usine en 2023 pour produire en masse ses électrolyseurs de grosse capacité.

Cotée en Bourse, elle vient de lever 180 millions d’euros. Elle a aussi constitué un consortium avec deux autres PME régionales, HRS (Hydrogen Refueling Solutions), à Champ-sur-Drac, et Atawey, au Bourget-du-Lac, pour fournir 14 des 20 stations du projet ZEV dans le cadre d’un appel d’offres. L’objectif est de mailler les 13 départements de la région d’ici à 2023, tout en déployant une flotte captive de 1 200 véhicules (dont 200 subventionnés par l’Ademe)… De quoi amorcer la pompe !

Très porteur pour la mobilité, l’hydrogène vert intéresse aussi beaucoup d’industries lourdes pour décarboner leur production. Le cimentier Vicat, très impliqué dans la filière, espère se passer des énergies fossiles dès 2024 dans ses cimenteries en devenant producteur. Il a déjà commandé une dizaine de poids lourds H2 aux États-Unis, et devrait installer une station sur son site de Saint-Égrève.

L’hydrogène vert pourrait aussi alimenter les bâtiments en électricité et en chauffage – un secteur qui représente 36 % des gaz à effet de serre. Sylfen vient de s’installer au Cheylas dans une usine de 460 mètres carrés pour industrialiser sa solution, unique au monde, de stockage des énergies renouvelables par l’hydrogène, qui fonctionne alternativement comme une pile à combustible et un électrolyseur : “On peut ainsi alimenter en électricité et chaleur tout un bâtiment avec de l’énergie solaire même quand les panneaux sont couverts de neige, le surplus d’énergie emmagasiné étant récupéré”, précise Nicolas Bardi, cofondateur.

Le premier démonstrateur fonctionne chez Engie, et les deux premières installations se feront en Italie, en 2021. De quoi créer des centaines d’emplois en Isère à terme : en 2030, le marché mondial de l’hydrogène devrait représenter 8,5 milliards d’euros.

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Florence Lambert :

L'hydrogène, c’est le carburant du futur !

En 2016, Florence Lambert, directrice du Liten – laboratoire phare du CEA Grenoble sur les énergies renouvelables (1 000 salariés, 1 500 brevets en portefeuille, 160 millions annuels de budget) - avait été missionnée par Nicolas Hulot pour déployer l’hydrogène décarboné dans l’hexagone.Quatre ans plus tard, le 1er novembre, cette dernière prend de nouvelles fonctions et va se consacrer entièrement au développement de cette filière qui prend aujourd’hui une nouvelle dimension.

Trois nouvelles plateformes de recherche et développement seront inaugurées en décembre sur le site du CEA Grenoble avec le lancement notamment de deux lignes pilotes pour industrialiser une nouvelle technologie d’électrolyse à très haute température, en partenariat avec différents équipementiers isérois dont ECM (fabricant de fours).

“En Europe, l’hydrogène ne sera pas tout de suite un marché de masse. En revanche pour les poids lourds, le train, les transports collectifs, les technologies sont prêtes. Dans un premier temps, il sera associé à des batteries pour le stockage. Mais c’est le vecteur énergétique du futur et une opportunité en termes d’emplois locaux, car la production d’hydrogène nécessite de nombreuses compétences dont nous disposons ici. Et à terme, les territoires pourront produire leur propre carburant.”


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Laurent Carme, directeur de Mc Phy :

Bientôt une gigafactory !

Il y a un an, après dix ans chez General Electric et Alstom, cet expert des énergies renouvelables a pris la direction de l’entreprise fondée en 2008. Mc Phy (15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019) qui produit des électrolyseurs et des stations de recharge de véhicules passe aujourd’hui le stade supérieur

Détenue désormais à 14 % par EDF, actionnaire historique, la start-up vient de lever 180 millions d’euros avec l’entrée à son capital de leaders mondiaux comme Chart Industries, l’un des leaders mondiaux d’équipements pour l’énergie.

 

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Pour soutenir la montée en puissance du marché, elle projette la construction d’une « gigafactory » d’une capacité de 1 000 électrolyseurs par an dans la région (soit une puissance de 1 gigawatt par an contre 300 mégawatts aujourd’hui dans son unité italienne de San Miniato) qui sera opérationnelle en 2023.“Plus de 30 milliards d’euros sont injectés actuellement en Europe sur la filière, c’est le moment d’investir.” Laurent Carme étudie aujourd’hui toutes les possibilités d’implantation.

© M.Greiner

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Hassen Rachedi, Pdg de HRS (Hydrogène Refueling Solutions) :

Nous sommes le tout premier fabricant européen

“Avec 34 stations de ravitaillement en hydrogène de grande capacité (de 100 kilos jours à 500 kilos jours) installées à travers le monde depuis 10 ans, HRS est devenu un fabricant majeur de stations de ravitaillement hydrogène pour voiture électrique à pile à combustible en Europe”, affirme Hassen Rachedi, qui a créé l’entreprise de chaudronnerie et d’ingénierie industrielle en 2008 sous le nom de TSM.

 

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La PME (34 salariés) va investir plus de 10 millions d’euros en 2021/2022 à Champagnier sur l’ancien site de Polimeri pour accroître sa capacité de production et répondre ainsi à la forte croissance du marché.“Nous avons un savoir-faire technologique de pointe et un outil industriel qui nous permettent de proposer des prix compétitifs.”

Pour ce dirigeant, les valeurs humaines font la force de son entreprise. “En dix ans, nous n’avons jamais eu aucun turnover.” L’objectif est de monter à 100 collaborateurs puis 200.

 


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Nicolas Bardi, cofondateur de Sylfen (au centre) :

On stocke l’énergie et on la restitue

“Notre solution de stockage des énergies renouvelables par l’hydrogène, qui fonctionne alternativement comme une pile à combustible et un électrolyseur, est unique au monde : le Smart Energy Hub permet d’alimenter en électricité et chaleur tout un bâtiment avec de l’énergie solaire même quand les panneaux sont couverts de neige, le surplus d’énergie emmagasiné étant récupéré.”


Le Smart Energy Hub, c'est quoi  ? Ciquez pour agrandir

 

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