Inventeur de l’étape gastronomique à Vienne
Premier chef en France à obtenir trois étoiles au Michelin en 1933, ce chef charismatique, père de la « nouvelle cuisine », a fait de la Pyramide de Vienne une étape incontournable sur la route du Midi.
"Point a racheté le restaurant pour son fils, un jeune con qui veut faire de la cuisine nouvelle", maugrée Léon Guieu après avoir cédé les clés de son établissement à Auguste Point.
Deux ans plus tard, en 1925, ce dernier décède et Fernand, alors en apprentissage à l’Hôtel Royal Évian auprès de Georges Bocuse (père de Paul), reprend de fait l’affaire familiale, rebaptisée La Pyramide.
Les regrets exprimés par le fondateur de cette maison viennoise déjà réputée sont vite balayés. En 1928, le jeune chef décroche ses deux premières étoiles au guide Michelin avant d’obtenir la consécration suprême, cinq après : premier triple étoilé de l’histoire, Fernand Point entre dans la légende.
La Pyramide s’impose dans l’entre-deux-guerres comme une des meilleures tables de France, portée au firmament culinaire… Pour les gastronomes, l’étape devient incontournable sur la route Nationale 7, chantée par Charles Trenet.
D’ailleurs, la plupart des grands chefs étoilés se trouvent sur cet axe Paris-Lyon-Marseille ! Les célébrités et les têtes couronnées du monde entier défilent chez Point pour déguster son gratin de queues d’écrevisses, sa poularde aux truffes ou son gratin dauphinois, ce plat humble élevé au rang des mets les plus raffinés.
"Donnez-moi du beurre ! "
"Pour bien manger en France, un Point c’est tout !", claironne Sacha Guitry. Avec sa personnalité joviale hors du commun, le chef, un colosse de 1,92 m et 165 kg (surnommé « magnum » pour son addiction bien connue au champagne), ne craint pas la démesure pour magnifier les produits du terroir : "Du beurre ! Donnez-moi du beurre !", ne cesse-t-il de répéter en cuisine.
Le chef a du tempérament et aussi des convictions. Durant la Seconde Guerre mondiale, il préfère fermer son restaurant plutôt que de servir l’état-major nazi, et n’hésitera pas à héberger des résistants.
Fernand Point, surnommé « Magnum » pour son addiction au champagne, avec son épouse Mado.
Fernand Point forma les meilleurs : Paul Bocuse, Pierre et Jean Troisgros ou Alain Chapel, pour n’en citer que quelques-uns… « Fernand, c’est le vrai luxe qui s’écroule, le luxe du cœur », écrira Jean Cocteau à son décès en 1955, dans une lettre adressée à son épouse Marie-Louise - alias Mado.
Cette Ardéchoise au charisme solaire a aussi beaucoup contribué à la réputation de l’établissement. Fernand disparu prématurément, à l’âge de 58 ans, elle assurera brillamment la relève.
Jusqu’à sa mort en 1986, la Pyramide conservera ses trois étoiles au Michelin. La fille adoptive du couple, Marie-José Eymin, prendra alors la succession avant de céder l’affaire à un groupe immobilier parisien.
Deux cents ans d’existence
Depuis 1989, une nouvelle page a été ouverte avec Patrick Henriroux, jeune chef cuisinier passé chez Georges Blanc, qui a rapidement redonné ses lettres de noblesse et ses deux étoiles à la maison. En 2022, l’établissement fêtera ses deux cents ans d’existence. Fondé en 1822 par monsieur et madame Chambertin à l’enseigne Au Poirier Idéal, il n’a connu que cinq propriétaires en vingt décennies !
A la réception de l’hôtel-restaurant, le portrait de Fernand Point par Robert Doisneau accueille toujours les visiteurs.