En avant la musique en Isère !

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Concert flottant au lac de Freydières par l’orchestre PianO du Lac.
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Des paysages hauts en reliefs et en couleurs variées. Une nature sauvage et habitée. De multiples châteaux et des villages typés. Berlioz à Messiaen et de Barbara à Calogero, l’Isère est une terre d’inspiration sans fin pour les musiciens et chanteurs, natifs d’ici ou d’adoption, avec une scène…

De Berlioz à Sinsémilia

 

En Isère, les montagnes ne sont jamais loin. Depuis sa chambre d’enfant à La Côte Saint-André, dans la Bièvre, Hector Berlioz (1803-1869), l’un des plus célèbres compositeurs au monde, évoque dès les premières pages de ses Mémoires ces « pics gigantesques des Alpes » qui frappèrent son imagination. 

Cloches d’église, sabbat des sorcières dans les bois de Chambaran… Les images de l’Isère sont perceptibles dans nombre de ses œuvres et notamment, dans la Symphonie fantastique.

Olivier Messiaen (1908-1992) trouva aussi en Isère une source d’inspiration majeure. « Je suis un Français des montagnes comme Berlioz », écrivit-il. Chaque été, de 1936 et jusqu’à la fin de sa vie, le compositeur se réfugiait dans sa maison secondaire de Saint-Théoffrey au bord du lac de Laffrey, au pied du massif du Taillefer, arpentant les sentiers pour enregistrer les chants des oiseaux et les retranscrire sur ses partitions. 

Devenue une résidence d’artistes, sa maison accueille à présent de nombreux poètes, musiciens ou chercheurs qui font écho à son œuvre. Chaque été en juillet, le village célèbre sa mémoire lors d’une grande journée festive et musicale.

Igor Stravinski (1882-1971), l’auteur des musiques du Sacre du printemps, de Petrouchka et de l’Oiseau de feu, tomba quant à lui sous le charme de Voreppe et de la Chartreuse, où il résida de 1930 à 1934. « L’air pur de la vallée de l’Isère, le calme de la campagne, un très beau parc et une maison vaste et confortable, tout cela nous incita à nous installer pour de bon », écrit-il. Installé à la villa Véronnière (l’actuelle médiathèque), il composa ici un concerto, un duo pour violon et piano et un ballet théâtral (Perséphone).

Pendant ce temps, à l’autre bout de l’Isère, au bord du Rhône, le compositeur et chef de chœur lyonnais César Geoffray (1901-1972) s’installait Moly Sabata, la communauté d’artistes fondée par le peintre cubiste Albert Gleizes à Sablons, où il passa onze ans de sa vie. Créateur des chorales A Cœur joie, ce musicien contribua à la renaissance du chant collectif en France.

 

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Des voix d’anges

Peut-être rencontra-t-il Fanély Revoil (1906-1999), dernière divette de l’opérette. La chanteuse mezzo-soprano, issue d’une famille de mariniers de Sablons, qui triompha sur les plus grandes scènes de France et d’Europe dans “La Périchole”, “La Belle Hélène” ou “La Maréchale sans gêne”, se fit construire une étonnante maison en galets roulés juste à côté de Moly Sabata où elle venait pour les vacances. La commune de Sablons a longtemps fait vivre son répertoire à la salle des fêtes qui porte son nom.

En 1940, Fanély se retrouva sur la scène de l’Opéra-Comique à Paris dans Les Noces de Figaro avec une autre grande diva iséroise : Ninon Vallin (1886-1961), originaire de Montalieu-Vercieu, de vingt ans son aînée. 

Considérée comme la plus belle voix de la première moitié du vingtième siècle, plus connue à l’international que dans son propre pays, Ninon reste une référence pour de nombreux chanteurs lyriques actuels.

Oubliée elle aussi, la soprano normande Suzanne Balgerie (1888-1973), admirée par Fauré ou Messiaen pour sa puissance vocale et ses talents de tragédienne, compta pourtant parmi les grandes voix de l’opéra de Paris. Après la guerre, en 1945, elle se retira à Grenoble pour enseigner l’art lyrique au conservatoire. Sa dernière demeure est à Saint-Martin-d’Hères.

 

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En Isère, « on connaît la chanson »

Né au Fontanil-Cornillon, Charles-Joseph Pasquier (1882-1953) fit une carrière de comique troupier dans les théâtres parisiens sous le pseudonyme de Bach, et grava plusieurs disques 78 tours dans les années 1930. Il fut le créateur de "La Madelon" et de "L'ami Bidasse" pour ne citer que ces titres devenus particulièrement célèbres.

Bien avant Annie Cordy, Lily Fayol, née à Allevard-les-Bains (1914 -1999) fut une chanteuse fantaisiste avec des tubes largement diffusés à la radio comme "Le régiment des mandolines" ou "Le gros Bill". Elle créa à Paris la comédie musicale "Annie du Far-West" et, dans les années 1940-50, apparut dans plusieurs films. Les anciens Grenoblois n'ont pas oublié le restaurant qu'elle avait ouvert à Chamrousse.

Le destin de Barbara (1930-1997), l’une des toutes premières chanteuses et compositrices du vingtième siècle, passe également par l’Isère. En 1943, pour fuir la guerre, sa famille se réfugia à Saint-Marcellin. Des années plus tard, « la grande dame en noir » évoquera ses souvenirs dans « Mon Enfance ».

En 1943, Jean Dréjac (1921-2003), issu d’une famille de gantiers grenoblois, connaissait son premier succès à Paris : sa partition de « Ah ! Le P’tit vin blanc » se vendit à un million d’exemplaires. Sur les musiques de son ami Michel Legrand, ses rimes poétiques traverseront l’Atlantique et les décennies : Édith Piaf, Serge Reggiani, Yves Montand, Charles Aznavour, Henri Salvador ou Dalida lui doivent leurs grands tubes !

S’il est né à Paris, l’académicien Jean-Loup Dabadie (1938-2020), auteur de Femmes je vous aime (interprété par Julien Clerc) ou de On ira tous au paradis (Michel Polnareff), est lui aussi un enfant du pays : il a passé son enfance chez ses grands-parents, à La Tronche et fait toute sa scolarité au lycée Champollion. Il fut aussi fervent supporter du FCG, le club de rugby grenoblois.

Parmi ses condisciples célèbres se trouve Michel Fugain, 80 ans, fils du docteur Pierre Fugain, figure de la Résistance. De Voreppe à Grenoble, Michel passa onze années à Champo avant de partir à Paris pour faire du cinéma. Mais c’est dans la musique avec le Big Bazar, fondé en 1971, qu’il accède à la célébrité, en pleines années hippies.

Autre célèbre beatnik, Antoine, né à Madagascar en 1944, fait également un passage par Champollion dans les années 1960, en classe préparatoire. C’est à Grenoble, boulevard Foch, que le futur centralien aux cheveux longs achète sa première chemise à fleurs : la panoplie dont il fera sa marque de fabrique.

Dans la décennie 1970, Jacques Brel (1929-1978), au faite de sa célébrité, vient en famille se ressourcer dans son chalet de Saint-Pierre de Chartreuse, à l’abri des paparazzi.

 

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Une scène locale éclectique et dynamique

En 1991, l’Echirollois Calogero Maurici, vingt ans, remporte son premier disque d’or avec les Charts, le groupe créé avec son frère Giacchino (« Notre Monde à nous »). Soutenu par Zazie, il se lancera ensuite dans une carrière en solo sous le nom de Calogero : en 2002, En Apesanteur lui vaut un deuxième disque d’or.

Pendant ce temps, toujours en 1991, Mike D’Inca et Riké, onze copains d’école du sud de l’agglomération grenobloise donnent leur premier concert à la fête de la musique, à Grenoble. Sinsémilia, le premier groupe de reggae festif français, est né et va cartonner avec Tout le bonheur du monde. 

Après la grande tournée des trente ans de Sinsémilia, Mike et Riké, les deux voix du groupe, se produisent depuis déjà plusieurs mois partout en France dans un spectacle intimiste où ils chantent leurs « souvenirs de saltimbanques » dans un spectacle intimiste..

Mike D’Inca a aussi produit et managé de nombreux groupes de la scène locale avec son label Echo Productions. Parmi eux, les groupes Peps, Emzel Café, MiG ou encore les Mountain Men – dont les deux fondateurs, l’harmoniciste Ian Giddey (alias Barefoot Iano) et le guitariste Mathieu Guillou (Mister Mat), ont chacun entamé de nouvelles aventures.

Un autre groupe de reggae a marqué la scène iséroise dans les années 1990, Gnawa Diffusion. Fondé en 1992 par Amazigh Kateb, fils de l’écrivain Kateb Yacine et demi-frère de la chanteuse Djazia Satour, le groupe continue de galvaniser les foules en concert.

À suivre aussi dans la grande famille des musiciens isérois : Fabien Daïan, ex-guitariste des Sinsémilia et collaborateur de Djazia Satour. Ce showman-né fait désormais entendre sa voix partout en France en duo avec son cousin et complice Rémi sous le nom de Leonid avec un deuxième album inspiré, Dans le vent, et prépare déjà un nouveau spectacle en hommage à Renaud.

Côté dance floor et électro, le duo formé dans les années 2000 par Caroline Hervé et Michel Amato, alias Miss Kittin and The Hacker, continue de régner sur les platines de Berlin à New York. Leur premier set s’appelait « Gratin dauphinois » !

MPL, le groupe formé en 2012 à Meylan par des copains de collège sous le nom de « Ma Pauvre Lucette » a quant à lui bien grandi : Cédric Bouteiller (chant), Manu Rouzier (guitare), Julien Abitbol (guitare) et Andreas Radwan (basse) et Arthur Dagallier (machines) sortent leur troisième album, Bonhommes, où ils questionnent leur masculinité sur une pop entraînante. Cet été, ils joueront à domicile pour l’ouverture du Cabaret Frappé.

Plus récent, le « boys band » constitué en 2020 autour de Daniel Gwizdek sous le nom de Gwizdek a aussi le vent en poupe : avec ses mélodies éthérées, sa voix chaude et ses textes tout en sensibilité, il pourrait marcher sur les traces d’un Bertrand Belin.

Leila Huissoud, 27 ans, originaire de Charantonnay, a bénéficié du soutien de la Fabrique Jaspir, en Isère rhodanienne, qui a produit ses deux premiers albums. Cette enfant de Brassens et de Moustaki au joli brin de voix affirme une sacrée personnalité attachante avec son nouveau spectacle concocté pendant le confinement, “La Maladresse”.

 

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Un vivier de musiciens

Côté musiques instrumentales, l’Isère est un vivier de talents reconnus bien au-delà des frontières.

À 83 ans, le compositeur sassenageois Gilles Pellegrini, ancien trompettiste de Johnny Hallyday dans les années 1960, souffle tous les jours dans sa trompette, après une longue carrière aux côtés des stars.

Alfio Origlio, 55 ans, parmi les meilleurs pianistes de jazz français, joue lui aussi avec les plus grands. Entre deux tournées internationales (avec Salif Keita, Gregory Porter, Sting, Didier Lockwood, Bobby McFerrin, Michel Jonasz, Manu Katché, Erik Truffaz…), il compose ses propres morceaux (quatorze albums à son actif) face aux montagnes à la Bâtie Divisin. Son titre Absyration compte déjà six millions d’écoutes sur les plateformes ! 

Alfio porte différents projets avec de jeunes chanteurs et musiciens de la région comme le guitariste Noé Reine, le beat boxer Alem (son voisin en Nord-Isère). Le 9 juillet, il se produira sur la grande scène de Jazz à Vienne avec Fleur Worku (en première partie de Mélody Gardot).

Mais il faut citer aussi le multi-instrumentiste grenoblois Stracho Temelkowski. Jazz, funk, dub ou sonorités des Balkans, cet improvisateur a fait du métissage sa signature musicale, collaborant avec de nombreux artistes d’ici (Gnawa Diffusion) et d’ailleurs (le pianiste cubain Omar Sosa.)

 

©C.Dehousse & Chris Christodoulou

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Abel Gabert, le compositeur de musique sacrée oublié 

Le chanoine Abel Gabert (1861-1929), natif de Longechenal, maître de chapelle à La Côte Saint-André, attira des foules de fidèles à la messe dominicale à la fin du XIXè siècle avec ses cantiques et motets qu’il composait chaque semaine ! 

Initié à la composition dès 1881 par un réfugié espagnol, Joseph Alémany, il monta ensuite à Paris pour se perfectionner puis puis traversa l’Atlantique en 1907 pour faire carrière aux États-Unis, notamment à l’Université Catholique de Washington.

Il revint à Grenoble en 1924 comme maître de chapelle de la cathédrale et professeur au grand séminaire. 

À son décès en 1929, il laissa dix messes à un ou deux chœurs et orgue, des cantates et nombre de motets : soit environ 90 œuvres répertoriées.

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