La noix de Grenoble veut moderniser son AOP

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800 nuciculteurs isérois produisent dans la zone AOP, une production phare en Auvergne-Rhône-Alpes.
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Face aux aléas climatiques, à la concurrence américaine et à de nouvelles attentes sociétales, la plus grande noyeraie d’Europe doit défendre son appellation et trouver de nouveaux débouchés.

800 nuciculteurs isérois produisent dans la zone AOP, une production phare en Auvergne-Rhône-Alpes.

 

Plus productive, plus volumineuse, légèrement plus sucrée : la Fernor, fruit du mariage de la Franquette et de la Lara, coche toutes les cases !

Après deux ans d’études économiques et sensorielles, le Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble (CING), qui regroupe quelque 800 producteurs, a décidé d’entamer les démarches pour demander son introduction dans la zone d’appellation d’origine protégée (AOP) de la noix de Grenoble. Une petite révolution dans la noyeraie où les trois variétés historiques, la Franquette (90 % de la production actuelle), la Mayette et la Parisienne, règnent en exclusivité depuis 1938. Nathalie Groulard, coordinatrice au CING, se prépare d’ailleurs à une partie difficile : “Il faut prévoir de cinq à dix ans de négociations avec l’institut gouvernemental qui gère les appellations d’origine et avec l’Europe. C’est un gros dossier !”

Pour certains, c’est le risque de voir l’appellation perdre un peu de son identité face à une concurrence mondialisée. Pour les autres, c’est une question de survie pour une filière qui fait figure de Petit Poucet face aux 800 000 tonnes de noix américaines – moins chères et plus charnues, mais aussi plus grasses et moins goûteuses – ou aux 150 000 tonnes chiliennes, qui arrivent en avance sur le marché.

Entre coups de vent, grêle, sécheresse et gel (encore onze jours consécutifs en avril dernier), les producteurs de noix de Grenoble subissent aussi de plein fouet les aléas climatiques depuis quelques années. “En 2020, la récolte a été bonne en volume après une année 2019 catastrophique. Mais les calibres étaient plus petits, et cela s’est ressenti sur les prix”, constate Marc Giraud, directeur de Coopenoix, qui assure le conditionnement et la commercialisation pour 350 nuciculteurs en Isère.

 

Traitements alternatifs et bon voisinage

Alors que de nouvelles générations de ravageurs apparaissent dans les vergers, les producteurs doivent également s’adapter à la pression sociétale et environnementale, et composer avec des riverains inquiets pour leur santé.

La Station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes, à Chatte, créée en 1993, développe depuis de nombreuses années des méthodes alternatives innovantes, comme la confusion sexuelle, qui sont de plus en plus utilisées : “On place dans les vergers des diffuseurs de phéromones qui perturbent la reproduction des insectes. C’est très efficace sur le carpocapse, se félicite son président, Christian Mathieu. Mais que l’on soit en bio ou en conventionnel, on se doit de protéger les vergers pour pérenniser nos cultures. Il faut faire de la pédagogie.”

Un « Guide des bonnes pratiques » a été édité par le CING à l’usage des producteurs, de plus en plus nombreux à travailler en raisonné ou en bio. Le développement de la certification « Haute Valeur environnementale » figure d’ailleurs parmi les enjeux du plan de soutien régional à la filière de la noix de Grenoble, adopté en février dernier par la Région et le Département.Mais la première des priorités de ce plan est de redonner confiance en l’AOP et de développer la production sous le signe de la qualité. L’introduction de la Fernor devrait contribuer à cet objectif.

Il reste aussi une marge de progression dans la transformation des cerneaux : “La noix de Grenoble, contrairement à celle du Périgord, s’est tout de suite tournée vers l’exportation. Mais la gamme des friandises sucrées et salées à base de noix ne cesse de s’étendre. Dans notre boutique, nous avons déjà une trentaine d’artisans de la région, dont 24 arborent la marque ISHERE…”, se réjouit Marion Carcano, directrice du Grand Séchoir, à Vinay.

L’ouvrage consacré par l’historien Édouard Lynch à la longue saga de la noix de Grenoble montre que la filière a surmonté bien d’autres crises depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Le petit fruit d’or de l’Isère en garde sous la coque !

Encart

En savoir plus (à lire) :

La Noix de Grenoble, histoire(s) d’une AOC pionnière - Édouard Lynch (Éditions Libel).

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Maegan Rocca : « La noix a des vertus cosmétiques incroyables »

La jeune créatrice grenobloise a créé une gamme de soins du visage et du corps à base de noix 100 % nature pour se faire la peau douce.

Si les vertus nutritionnelles et gustatives de la noix sont bien connues, le fruit d’or de l’Isère est aussi un trésor de bienfaits pour la peau : “Elle possède des propriétés nourrissantes et antioxydantes vraiment intéressantes”, assure Maegan Rocca, 26 ans.

Passionnée de cosmétique et de nature, cette jeune grenobloise, diplômée de GEM (Grenoble école de management), a profité du confinement en 2020 pour approfondir ses recherches sur le sujet et concevoir son premier soin pour le visage à base de noix avec des dermatologues et des laboratoires spécialisés : un masque exfoliant qui utilise aussi bien la chair que la coque avec des petits grains tout en douceur pour retrouver son éclat.

Grâce aux 30 000 euros récoltés via un financement participatif, le soin a pu être produit et emballé dans un pot rechargeable à l’infini (on ne l’achète qu’une fois et on s’abonne pour le remplissage !), avec un carton à base de déchets agroalimentaires ensemencé de graines que l’on peut faire pousser.

 

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“Pour moi, cet aspect écoresponsable était fondamental », précise la créatrice. Tout est conçu en France et la noix provient essentiellement de l’Isère. J’espère arriver à 100 % de noix de Grenoble : c’est ma région et elle est très réputée !  ”

Forte du succès rencontré et des retours de sa communauté d’Instagramers, Maegan a poursuivi sur sa lancée avec un soin du corps élaboré avec un artisan savonnier grenoblois (Les Savons de Lionel) et bientôt une huile pour le visage.

Deux autres produits sont attendus pour 2022. La gamme est commercialisée pour l’essentiel sur Ie site internet de la société (baptisée Novëm), mais aussi aux Galeries Lafayette de Grenoble et Paris et dans différents concept stores.

“Pour l’instant, je suis seule dans l’entreprise avec mon compagnon et nous sommes en télétravail. Nous allons grandir à notre rythme.”

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La filière nucicole en Isère

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