Si le Désert de Chartreuse est connu pour abriter la maison-mère de l’Ordre cartusien, il existe un autre Désert en Isère, plus confidentiel, celui de Valjouffey dans le Valbonnais. Là aussi, la nature est restée intacte et sauvage…
Par Richard Juillet
A 66 km de Grenoble, après avoir traversé La Mure, Valbonnais, Entraigues et le hameau du Désert de Valjouffrey, la route s’arrête pour laisser place à un chemin caillouteux. « Nous sommes dans ce que l’on appelle un cul-de-sac géographique, explique René Lanthelme, 75 ans, Déserton depuis plusieurs générations. Après le hameau, c’est la haute montagne, le domaine des marmottes, des chamois, des alpinistes aussi. »
Implanté sur un cône de déjection de l’ancienne vallée glaciaire de la Bonne, le Désert est l’un des cinq hameaux de la commune de Valjouffrey, qui compte moins de 200 habitants.
Dominé par le pic de Valsenestre, l’aiguille des Marnes, la pointe de Marceline et le pic des Souffles, il est recroquevillé autour de sa petite chapelle sainte-Anne, bâtie sous Louis XIV. « L’hiver, le soleil nous taquine pendant deux à trois heures par jour tout au plus, s’amuse René, mais pour la tranquillité, il n’y a pas mieux ! » Un isolement qui serait d’ailleurs à l’origine du village.
> UNE VALLÉE REFUGE
Le nom de Valjouffrey proviendrait d’un certain Josfredi, compagnon d’armes du roi burgonde Gaudemar III. Battu en 532 à la bataille d’Autun par les fils de Clovis, Gaudemar et ses servants auraient trouvé refuge dans une vallée isolée qui prendra le nom de Valgaudemar.
Quant à Josfredi, il s’installera dans la vallée voisine de la Bonne que l’on nommera Vallis Josfredi puis Valjouffrey. Hors d’atteinte, les soldats burgondes se convertiront à l’agriculture, transformant forêts en pâturages. « Le nom Desert vient d’ailleurs du verbe essarter, une technique pour défricher les champs par brûlis », poursuit René.
Bien plus tard, le Désert accueillera d’autres réfugiés et, notamment, des protestants fuyant les persécutions sous l’Inquisition. Enfin, plus près de nous, le hameau sera très prisé des ermites, moines cisterciens et bénédictins, qui s’adonneront à la méditation face aux sommets du massif des Ecrins.
> UN TOURISME AUTHENTIQUE
Isolé certes, Valjouffrey n’est pas pour autant dénué de ressources. Riches en eau et en forêts, les hameaux se sont développés grâce au commerce du bois de charpente et de chauffage. En 1848, on comptait plus de 1000 habitants et plusieurs scieries.
Mais un siècle plus tard, avec l’exode rural et la construction, en 1932, de la première route goudronnée, seules 250 âmes sont recensées. Le Désert entre alors dans l’oubli. « Pendant longtemps, ce fut un handicap mais aujourd’hui, cette nature intacte et sauvage est plutôt un atout », expliquent Gérard et Martine Jacquemin.
Entrepreneurs enthousiastes, ils ont ouvert, en 2009, des chambres d’hôtes et accueillent toute l’année les randonneurs qui font le tour de l’Oisans par le GR54, ou encore les alpinistes qui s’aventurent jusqu’aux Aiguilles d’Arias ou au Pic de l’Olan.
Le Désert compte également trois autres structures d’hébergement, un café-restaurant ouvert à l’année, et des éleveurs de brebis, chèvres et vaches qui, pour certains, font de la transformation fromagère. Signes que l’activité regagne peu à peu du terrain dans cette vallée authentique et secrète.