Le musée de l’Ancien évêché, à Grenoble, l’un des dix musées départementaux, a fêté son 20e anniversaire en septembre dernier. Outre les collections qu’il présente, il est aussi le témoin de seize siècles d’histoire, des premiers temps chrétiens à nos jours.
Par Richard Juillet
Avec près d’un million de visiteurs, 30 expositions temporaires présentées et des collections sans cesse enrichies, le musée de l’Ancien évêché confirme ce que ses promoteurs avaient escompté lors de sa création en 1998 : un réel intérêt du public pour l’histoire régionale.
Au-delà de son contenu qui remonte jusqu’au paléolithique, le bâtiment lui-même vaut le détour. Érigé sur les vestiges de la première cité épiscopale de Grenoble, il témoigne de l’histoire de la ville et, en filigrane, de la rivalité entre pouvoirs laïc et religieux.
> LA VILLE DE L'ÉVÊQUE...
En poste depuis 2006, Guy de Kerimel est le 86e évêque de Grenoble depuis un certain Domnin, attesté en 381. C’est probablement lui qui fait bâtir le groupe cathédral originel à l’image de ceux présents dans d’autres cités gallo-romaines.
Composé de sa résidence, d’une cathédrale double et d’un baptistère, l’ensemble est adossé au rempart antique qui enserre la ville depuis 292. Jusqu’à la fin du XIe siècle, on sait peu de choses sur son évolution et sur les évêques qui se sont succédé, Diogène, Viventius, Siagrius 1er, Boson ou encore Isarn… À part peut-être l’un des plus illustres, Hugues Ier, qui accueillera en 1084 le futur saint Bruno et contribuera à la fondation de l’ordre des Chartreux.
On retiendra surtout sa farouche opposition aux comtes d’Albon, future famille delphinale, qui ont prospéré en spoliant, notamment, les biens de l’Église.
Pour affirmer son autorité, il engage des travaux d’agrandissement et de restauration des édifices existants mais, emporté par la maladie en 1132, c’est son successeur, Hugues II, qui les achèvera.
Aux XIIIe et XIVe siècles, la ville, dont le poids économique et politique est de plus en plus important, contraint les évêques, toujours au même motif, à agrandir le palais à l’extérieur du rempart. Ces transformations trouveront leur apogée avec l’arrivée d’Étienne Le Camus en 1671.
Ami de Louis XIV et homme du Grand Siècle, ce prélat veut donner du lustre à son palais. L’intérieur est remanié dans un souci esthétique et fonctionnel, avec notamment l’agencement d’un escalier monumental.
Le Camus, qui conserve le titre de prince de Grenoble mais qui a, de fait, perdu l’essentiel du pouvoir temporel de ses prédécesseurs, se consacre à sa mission spirituelle et ouvre symboliquement son palais vers les faubourgs et le reste du diocèse.
Il fait construire un portail de style dorique-toscan et une nouvelle cour d’honneur à l’extérieur du rempart antique. Enfin, en 1696, le cimetière situé devant la cathédrale est déplacé, autorisant le dégagement de la place.
> ... FACE AU POUVOIR CIVIL
Si la Révolution française n’aura pas de conséquences sur le bâti existant — la cathédrale sera fermée au culte et l’évêché abritera un éphémère musée de peinture —, le début des années 1800 marquera un tournant dans la configuration du quartier.
Avec l’accord du préfet Fourier, la municipalité fait abattre la porte romaine, puis profite d’un accident de chantier pour le convaincre d’accepter la démolition des ailes ouest et nord du palais.
Enfin, pour aligner l’ensemble, elle fait édifier un nouveau bâtiment devant l’église Saint-Hugues. La place prend un aspect proche de ce qu’elle est aujourd’hui.
Un dernier prélat marquera l’histoire de l’évêché : Philibert de Bruillard. Ordonné en 1826, il exigera d’importants travaux pour magnifier le groupe cathédral qu’il compare à une maison de détention.
Ses appartements et une somptueuse chapelle sont aménagés, et le clocher est rehaussé. Il inspirera aussi la création de la façade-masque qui sera édifiée en 1884, bien après sa mort.
En 1908, après la loi de séparation des Églises et de l’État, le palais est définitivement affecté à un usage civil. Il abritera des instituts universitaires avant d’être désaffecté en 1987 puis acquis en 1988 par le Département qui veut en faire un lieu d’exposition pour les artistes dauphinois.
Mais la découverte, à partir de 1989, d’un baptistère lors des travaux de construction du tramway et de vestiges gallo-romains et médiévaux dans l’ancien évêché changera la donne.
Il opte pour un musée consacré à l’histoire et au patrimoine de l’Isère où, à côté du baptistère, des collections du Musée dauphinois seront mises en valeur dans une scénographie contemporaine.
ZOOM
> UN CONCENTRÉ D'HISTOIRE À (RE)DÉCOUVRIR
Le musée de l’Ancien évêché présente sur trois étages, en plus de son sous-sol consacré à la crypte archéologique avec le baptistère paléochrétien, de prestigieuses collections retraçant l’histoire de l’Isère : des premières incursions de l’homme de Neandertal dans le Vercors aux faits marquants du XXe siècle, en passant par l’occupation romaine, par cette principauté appelée le Dauphiné, par les prémices de la Révolution française ou encore par la révolution industrielle et politique des XIXe et XXe siècles.
Musée de l’Ancien évêché : 2, rue Très-Cloîtres, à Grenoble
Entrée gratuite