Suivre le Rhône dans les pas des écrivains

Rhône brangues
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Chapô

Le Rhône a inspiré de nombreux écrivains et poètes parmi lesquels Paul Claudel, Frédéric Mistral ou encore Victor Hugo. Dans leurs ouvrages, ils évoquent sa puissance, son histoire mais aussi la découverte de lieux sauvages. Balade entre nature et culture.

Le Rhône est l’un des plus puissants fleuves d’Europe. Après plus de 200 kilomètres en Suisse, il entre en France à l’aval de Genève pour un périple de 522 kilomètres jusqu’à la mer Méditerranée.

Frontière naturelle entre l’Isère et les départements de l’Ain, du Rhône, de la Loire, de la Drôme et de l’Ardèche, voie commerciale depuis l’Antiquité et exploité, plus récemment pour la production d’énergie, le Rhône est aussi un espace de vie pour une multitude d’espèces faunistiques et floristiques et une source d’inspiration pour de nombreux artistes.

De Brangues…

En 1927, Paul Claudel, écrivain et diplomate, achète le château de Brangues, près de Morestel. Le village n’est séparé que d’une centaine de mètres des berges du Rhône, où l’on peut découvrir un bel archipel d’îles sauvages.

À pied ou à vélo, on peut effectuer une jolie balade entre les ponts d’Évieu et de Groslée en longeant l’ancien méandre du Saugey, l’un des joyaux de la vaste réserve naturelle des îles du Haut-Rhône. Paul Claudel magnifie dans son Cantique du Rhône, la force du fleuve et son lien avec les montagnes d’où proviennent ses eaux : “ Il faut bien des montagnes pour un seul Rhône […].Cent montagnes et au milieu d’elles un seul Rhône, intarissablement nourri des mamelles glacées de l’altitude… ”

Un peu plus loin, c’est Olivier Gumuchian-Dargent qui nous accueille sur la commune de Porcieu-Amblagnieu. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’intrépide auteur a embarqué sa femme, Jacqueline, pour un voyage de noces tonique. L’idée est de descendre le Rhône jusqu’à la mer en kayak biplace. Mais arrivés en vue de Porcieu-Amblagnieu, tout se complique. Un accident géologique a créé trois cascades successives sur le Rhône et des rapides difficilement franchissables.“Un grondement de train express nous signale le premier rapide que nous allons reconnaître à pieds. Des gerbes d’écume, un bruit d’enfer […] interdit toute parole. […] Le Rhône, tout entier rétrécit, s’engouffre en hurlant dans une série de tables rocheuses qui affleurent et le barrent sur toute la largeur… Ma femme ne cache pas sa peur intense”, écrit-il.

Pour canaliser le vieux Rhône impétueux, des aménagements seront entrepris au XIXe siècle et plus encore en 1986 avec l’installation d’une centrale hydroélectrique. Mais l’amateur de sensations fortes peut toujours se frotter aux eaux vives sur la rivière artificielle aménagée sur l’île de la Serre.

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... à Anthon

Vingt kilomètres en aval, le Rhône est rejoint par l’Ain à Anthon, village célèbre pour sa bataille où, le 11 juin 1430, les troupes dauphinoises l’emportèrent face aux Bourguignons alliés aux Savoyards. Dans leur fuite, plus de 200 soldats bourguignons se noyèrent en voulant retraverser le Rhône. Un fleuve « dévoyé », au cours changeant au gré des crues, dont l’écrivain, diplomate et académicien, Paul Morand dresse le portrait dans son ouvrage, Le Rhône en hydroglisseur.

En 1928, Paul Morand, qui a déjà publié plusieurs récits de voyage, embarque à Lyon à bord d’une puissante embarcation  : direction le lac du Bourget. Il veut s’imprégner de cette section du Rhône qu’il estime délaissée par les auteurs au détriment des parties provençale et helvétique. Il découvre alors un fleuve vagabond, abandonné de tous. “Il n’est plus longé ni par les routes, ni par les chemins de halage, ni même par des sentiers. Souvent, il n’y a plus de rives, plus de lit […]. Dévoyé, le Rhône s’oublie à cerner des îles désertes, il s’épuise à creuser des lits qu’il abandonne aussitôt […]. Il n’a aucun de ces attributs utiles qu’on est accoutumé de voir aux fleuves…” Un aspect sauvage que Bernard Clavel a également mesuré.

De Vernaison...

En 1946, le romancier s’installe en famille au sud de Lyon, à Vernaison, près de Solaize. La commune fait alors partie du Département de l’Isère. Il est venu ici pour peindre, mais très vite le fleuve prend de plus en plus de place dans sa vie, à tel point qu’il y consacrera plusieurs romans, dont le célèbre Pirates du Rhône, publié en 1957.Il y décrit la vie des riverains du fleuve, braconniers, passeurs, mariniers, des hommes menacés comme le Rhône lui-même par les grands aménagements fluviaux programmés par l’État. Le fleuve n’est à l’époque pas encore canalisé. Il déborde fréquemment alimentant bras morts, lônes et forêts alluviales.

Dans Le Seigneur du fleuve, Bernard Clavel décrit un territoire qu’il compare à la jungle. “Les rives sont sauvages entre les villages… Le fleuve a tracé sur cette terre jamais stable des itinéraires qu’il transforme de saison en saison. Il s’y attarde. Il explore les sous-bois. Il s’arrête sous les voûtes épaisses des branchages où bourdonnent des millions de moustiques et de mouches. Pour celui qui ne connaît pas, c’est la jungle.”

Une atmosphère que l’on peut retrouver en parcourant, par exemple, l’île de la Platière. Cet espace naturel sensible, situé à proximité de Sablons-Salaise-sur-Sanne, a conservé les paysages d’autrefois.

 

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… à Vienne

S’il est une ville qui a prospéré grâce au Rhône, c’est bien Vienne, la Colonia Julia Viennensis romaine. Le fleuve marque à cet endroit un S qui ralentit son débit. Un lieu idéal pour y créer un port et acheminer vers le bassin méditerranéen tout ce que l’arrière-pays produit, vins, poteries céréales…

Le poète et prix Nobel de littérature, Frédéric Mistral, qui a lui-même navigué sur le Rhône en bateau à vapeur, a magnifié le fleuve et ses mariniers dans un poème écrit en occitan, Lou Pouèmo dou Rose (Le Poème du Rhône), publié en 1897. Il raconte la descente d’un équipage entre Lyon et Beaucaire manœuvrant un train de bateaux avec ses marchandises, ses passagers et ses chevaux pour la remonte, tout en décrivant les territoires traversés : “L’épais brouillard, qui peu à peu s’éclaire, a découvert au jour la vallée vaporeuse… La joie réveille les passagers, ébahis à tout coin, quand tout à coup, magnifique au tournant, apparaît dans son plein l’antique Vienne, assise en autel sur les contreforts du noble Dauphiné. Voilà célèbre, le Tombeau de Pilate et son aiguille… et les clochers et les tours et les temples dans la lumière inondante et limpide...”

Pour prendre la mesure du Rhône à Vienne, cité aux 22 monuments classés, l’idéal est d’emprunter la passerelle piétonne qui relie ses deux berges avant de prendre de la hauteur depuis le belvédère de Pipet pour admirer le paysage.

Autre auteur à avoir beaucoup écrit sur le Rhône : Victor Hugo. Dans l’un de ses poèmes, Le Mariage de Roland, puisé de la chanson de geste Girart de Vienne, écrite vers 1180 par Bertrand de Bar-sur-Aube, Victor Hugo évoque une île proche de Vienne où se serait déroulé un combat titanesque. L’histoire met en scène le seigneur Girart de Vienne et Charlemagne. Pour mettre fin à une guerre qui dure depuis trop d’années, ils décident d’organiser un duel entre leurs champions. Girart choisira son fils, Olivier, et Charlemagne, son neveu, Roland. Les deux combattants s’affronteront pendant plusieurs jours, en vain, se découvrant de force égale.

“Ils se battent – combat terrible ! – corps à corps. Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ; ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône, le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune…”

Épuisés, ils se lieront finalement d’amitié, et Roland épousera la sœur d’Olivier. On peut imaginer que cette histoire se passait sur l’île du Beurre, un site au riche patrimoine faune-flore, – on peut notamment y observer des castors –, situé face à l’espace naturel sensible de la forêt alluviale de Gerbey, à Chonas-l’Amballan.

 

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Pour en savoir plus et s’inscrire :

paysage-paysages.fr

atelier-des-confins.fr

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Découvrez le Rhône vagabond !

Dans le cadre de Paysage>Paysages, l’Atelier des Confins vous invite les 15 et 16 août à découvrir le Rhône vagabond à travers une itinérance en canoë de deux jours des Avenières à la Vallée bleue, un atelier d’écriture sur le thème du fleuve Dieu et une soirée « guinguette pédagogique ».

Au programme de cette soirée-spectacle : lecture de textes poétiques sur le Rhône, présentations pédagogiques, interventions théâtrales, intermèdes musicaux…

 

© JL Michelot.

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