Jusqu’au 2 janvier 2017, le Musée dauphinois à Grenoble vous invite sur le toit du monde à la rencontre des Inuit, ce peuple du Nunavik qui survit depuis des millénaires dans un milieu particulièrement hostile. Jusqu’à quand ? Tout dépendra du comportement des Occidentaux, de la convoitise des Etats sur leurs ressources minières et du changement climatique.
Par Richard Juillet
Une exposition sur les Inuit au Musée dauphinois, quelle drôle d’idée ! Certes, le musée ethnographique grenoblois a déjà mis en avant nombre de citoyens du monde, Roumains, Arméniens, Français d’Algérie, Africains, Tibétains, Grecs, Italiens, Tziganes.
Mais les Inuit, pourquoi, quels liens avec notre région ? Chantal Spillemaecker, commissaire de l’exposition et passionnée par les régions arctiques, nous renvoie vers l’une des expositions phares du Musée dauphinois, Gens de l’alpe. « Il y a plusieurs millénaires, des hommes se sont installés sur les hauteurs des montagnes alpines. Ils ont dû vivre avec la pente, le froid, l’altitude, l’isolement, et déployer des trésors d’ingéniosité pour survivre dans cette nature hostile. En ce sens, ces Alpins ont de nombreux points communs avec les Inuit du Nunavik », explique-t-elle.
> Qui sont-ils ?
Territoire autrefois appelé Nouveau Québec, le Nunavik est aujourd’hui une entité autonome du Québec, située au nord du 55e parallèle. Grand à peu près comme la France, riche en matières premières, il compte 12000 habitants, répartis dans 14 villages disséminés le long des côtes des baies d’Hudson et d’Ungava.
II n’en a pas toujours été ainsi. Originaires d’Asie, les Inuit étaient jadis un peuple nomade, se déplaçant au gré des campagnes de chasse et de pêche. Jusqu’au XVIe siècle, aucun Occidental ne connaissait d’ailleurs leur existence à part quelques équipages de baleiniers.
> Sédentarisés malgré eux
A partir du XVIIIe siècle, avec la recherche d’un passage maritime entre l’Europe et la Chine, les explorateurs prospectent leur territoire ainsi que les marchands de fourrure qui ouvrent des comptoirs. De chasseur, l’Inuk devient peu à peu trappeur et commence à se sédentariser.
Un phénomène qui s’accélère à la fin du XIXe siècle, avec l’arrivée de missionnaires qui fixeront progressivement ces populations autour de leurs églises, faisant fi de leurs coutumes et de leurs rites chamaniques.
> Le Grand Nord à Grenoble
« C’est une exposition conçue avec les Inuit et non sur les Inuit, précise Chantal Spillemaecker, car au mois de mai, des artistes du Nunavik viendront sculpter la pierre devant le public. » Chronologique, elle débute par une présentation grandeur nature de l’environnement nomade des Inuit, l'habitat, les objets usuels, les vêtements, les jouets…
Un module explique l’arrivée des Blancs dans le Grand Nord et la sédentarisation forcée des populations autochtones. Un troisième espace concentre une soixantaine d’œuvres exceptionnelles issues des coopératives d’art inuit, fondées dans les années 1960 : sculptures en ivoire et en stéatite — seule pierre "extrayable" facilement —, lithographies sur papier de riz, tapisseries…
> Une collection exceptionnelle d'objets et de photos
Enfin, la dernière salle nous plonge dans le Nunavik contemporain et le combat des Inuit pour garder leur mode de vie et leurs valeurs. Parmi les revendications les plus appuyées, celle, notamment, de pouvoir perpétuer une chasse de subsistance comme tous les Inuit, de la Sibérie à l’Alaska.
Les objets et films présentés proviennent des collections du musée de la Civilisation de Québec, de l’Institut culturel Avataq du Nunavik et du musée des Confluences de Lyon. A cela s’ajoute une trentaine de photos de Pierre Tairraz, photographe chamoniard, qui, en 1966, avait accompagné l’alpiniste-écrivain Roger Frison-Roche explorer ces lointaines contrées arctiques que vous pouvez découvrir à votre tour. Un conseil : couvrez-vous bien !
Tout savoir sur les Inuit en 6 minutes
Avec Lisa Koperqualuk, Inuit et anthropologue du Nunavik.