Merci la vie !
À 98 ans, l’œil bleu pétillant et le sourire charmeur, Roger Pénelon a traversé bien des aléas et vécu bien des vies. Orphelin de mère à l’âge de 4 ans, mécanicien autodidacte pour l’aéronautique, spéléologue intrépide, expert en photos d’identité pour la Résistance, citoyen engagé – en 1941, dans son village de Châtelus, il a été l’un des dix plus jeunes conseillers municipaux de France –, ce père de famille féru de géologie a enseigné l’électrotechnique puis la botanique à l’Université inter-âges, découvert la source d’eau potable qui alimente toujours Pont-en-Royans…
Et s’il a dû renoncer à ses escapades buissonnières dans les montagnes, celui qui est aussi vice-président d’honneur de la Société des écrivains dauphinois n’a jamais cessé de taquiner la muse de la poésie, son autre passion, depuis 1981.
Sa fierté : une gallerie du Vercors porte son nom
Plusieurs fois primé, Roger extrait volontiers ses pépites de son ordinateur – les recueils étant épuisés. Connecté aux éléments et à cette terre qui nous voit passer, il continue chaque jour de rendre hommage à la vie et à la nature, en vers et avec tout, photographiant le ciel par la fenêtre de son appartement grenoblois, au neuvième étage.
Fier d’avoir laissé son nom à cette galerie de la grotte du Bournillon qu’il fut le premier à explorer en 1942, dans le Vercors, il formule aujourd’hui un vœu : celui de voir le sentier qui y mène se transformer en route carrossable, à Châtelus. “La clef de voûte s’élève à 110 mètres de haut. C’est magnifique !”
Nous apprenons le décès de Roger Pénelon avec beaucoup de tristesse et présentons nos sincères condoléances à sa famille.
> Fils de P... (Comme " POISSE ")
(Attention! Poème "engagé")
Quand t'as plus rien qu'un homme ivrogne
Qu'est sans boulot et sans vergogne
Et qu'tu t'rimballes un air mutin
Bin pour cent balles tu t'fais putain.
C'est pas IENA, c'est pas ARCOLE,
Mais pour c'turbin pas b'soin d'école...
Bien sûr les mecs sentaient l'pinard
Mais ils beurraient mes épinards.
Aussi quand j't'ai senti dans moi
J'ai fait l'tapin encor trois mois.
Dans c'boulot-là t'as pas d'repère.
Ils pouvaient bien êt'tous ton père...
Aussi, fifils, quand tu m'têtais
Je m'd'mandais d'qui toi t'étais?
Mais j'm'en foutais car j'étais mère.
Avant, ma vie était amère
Mais toi, vois-tu, tu m'l'as changée
C'est en t' langeant que j' m'suis rangée.
J'ai dis << c'gars-là s'ra un Monsieur,
J'en fais serment, s'il plaît aux cieux >>.
Hélas! si v'nait la moind'dispute
Pour tous t'étais, toi, fils de pute.
Tu vois c'truc là, bin t'as beau fair'
C'est comm'si qu't'étais marqué au fer.
T'as beau changer tes oripeaux
C't'étiquette colle à ta peau.
Voilà qu'un jour quelqu'un t'a dit
Des mots pas bien à mon égard.
Ça t'a pas plu, t'avais grandi.
T'as suriné dans la bagar'.
Parc'qu'dans ton sang t'étais fiérot
T'as pris vingt ans mon pôv'Pierrot
Merci, fiston! Par ces oranges
Seul'ta mèr'sait qu'toi t'es un ange.
"Pâques" 1986. Roger Pénelon
> Réflexions
De ce concert sans fin, venu du fond des âges,
Mon cœur comprend, enfin, face à l'immense plage,
Combien l'homme est petit et voisin de zéro...
C'est dans la modestie que naissent les héros...
Lui qui se prend pour Dieu est le Diable en personne !
S'il voyait un peu mieux la taille qu'il se donne !
Mais qu'est-il, dites-moi, face à l'Immensité ?
Pas un an, pas un mois, un grain d'éternité !
Le plus petit galet, sur lequel l'homme marche,
Lui dirait, s'il parlait: "Je suis ton patriarche.
J'ai vu passer les tiens, tout boursouflés d'orgueil,
Se battant, tels des chiens, n'aimant que morts que deuils.
Ton passage, pourtant, est des plus éphémère.
Je serais si content si tu tuais la guerre,
Si l'amour s'installait, partout, au cœur de l'Homme..."
C'est ainsi qu'un galet, parlait, pour rien en somme.
Ce 7 février, 1985. Roger Pénelon